Mireille Provansal, membre de la CIMADE : «Les étrangers sont devenus les boucs émissaires d’un système profondément inégalitaire»
Membre de la Cimade, Mireille Provansal, enseignante universitaire à la retraite, revient sur l’action de l’organisation et sur les obstacles croissants rencontrés dans la défense des droits des étrangers, dans un contexte de durcissement législatif et de banalisation des discours xénophobes. Si elle juge symbolique la récente condamnation de Marine Le Pen pour diffamation, elle y voit néanmoins une reconnaissance de la légitimité du combat mené par la Cimade. Entretien
Mediaterranee : À la Cimade, quelle est précisément votre fonction ?
Mireille Provansal :
Pendant plus de dix ans, et jusqu’à l’été dernier, j’ai été responsable du groupe local de la Cimade à Aix-en-Provence. J’ai également exercé des responsabilités au niveau régional, mais mon activité principale s’est toujours située sur le territoire aixois et ses environs. Il s’agissait de coordonner un groupe engagé sur la question de la place des migrants en France : défendre leurs droits, leur reconnaissance dans la société française et sensibiliser le public à l’importance de l’accueil.
-Comment la Cimade a-t-elle réagi à la condamnation de Marine Le Pen pour diffamation ?
Mireille Provansal :
Nous ne pouvions évidemment que nous en réjouir. Certes, la condamnation est symbolique – 500 euros avec sursis, autant dire très peu –, mais le symbole est important. Marine Le Pen développe depuis longtemps un discours xénophobe et raciste particulièrement agressif. Que la justice rappelle certaines limites à ce type de propos est essentiel. Cela confirme la légitimité de notre action et montre que ces discours ne sont pas sans conséquence.
-Comment expliquez-vous la multiplication de ce type de propos dans la bouche de responsables politiques?
Mireille Provansal :
Il s’agit d’un mouvement profond, que l’on observe aujourd’hui en Europe comme en Amérique. Le migrant est devenu le bouc émissaire idéal. On lui attribue des responsabilités qui ne sont pas les siennes : le chômage, la précarité, l’insécurité. En réalité, ces problèmes sont largement liés à l’accroissement des inégalités, à l’exploitation des plus pauvres au profit d’une minorité déjà très riche. Désigner un ennemi commode permet d’éviter de s’attaquer aux causes structurelles. Cette logique n’est pas nouvelle : l’histoire européenne nous a déjà montré où mènent ce type de dérives idéologiques.
-Quelles sont concrètement les actions menées par la Cimade ?
Mireille Provansal :
La Cimade a pour mission, inscrite dans ses statuts, de venir en aide aux étrangers et de lutter contre toutes les formes de racisme et de xénophobie. Aujourd’hui, notre action principale consiste à faire reconnaître les droits des étrangers tels qu’ils existent dans la loi. Nous ne sommes pas une organisation violente ou clandestine : nous travaillons sur le droit. Les étrangers ont le droit de travailler, de vivre en famille, de se marier, d’élever leurs enfants et de trouver leur place dans une société française vieillissante qui a, objectivement, besoin d’eux. Par ailleurs, une équipe travaille particulièrement sur les violences subies par les femmes étrangères.
-Dans des zones comme Aix-en-Provence ou Marseille, les tensions sont-elles particulièrement fortes ?