Les chercheurs ont utilisé un total de 200 rats pendant deux ans, contre trois mois en général pour ce type d'expérience... (DR)

France : une étude sur les OGM sème le trouble et relance le débat sur la toxicité

Les organismes génétiquement modifiés (OGM) représentent-ils vraiment un danger pour les consommateurs, faut-il les interdire ? La question fait à nouveau débat en France, suite aux conclusions d’une étude conduite par le biologiste Gilles-Eric Séralini de l’université de Caen et parue dans la revue Food and Chemical Toxicology.

Réalisées sur des rats, les expériences de consommation d'un maïs génétiquement modifié – le NK603 de Monsanto – associé ou non au Roundup, l'herbicide auquel il est rendu tolérant, met en évidence des effets toxiques provoquant des tumeurs mammaires chez les femelles, des troubles hépatiques et rénaux chez les mâles, ainsi qu’une réduction de l’espérance de vie.

Les chercheurs ont utilisé un total de 200 rats pendant deux ans, contre trois mois en général pour ce type d'expérience. Ils ont évalué les effets d'un régime alimentaire composé de trois doses différentes du maïs transgénique (11%, 22% et 33%), cultivé ou non avec son herbicide-compagnon.

Trois groupes ont également été testés avec des doses croissantes du produit phytosanitaire seul, non associé à l'OGM, rapporte le journal Le Monde.

Au total, donc, ce sont neuf groupes de 20 rats (trois groupes avec OGM, trois groupes avec OGM et Roundup, trois groupes avec Roundup) qui ont été comparés à un groupe témoin de même taille, nourri avec la variété de maïs non transgénique la plus proche de l'OGM testé, et sans exposition à l'herbicide, décrit l’article du Monde, sous la plume de Stéphane Foucart

La publication des résultats de cette étude a immédiatement relancé le débat sur la toxicité des OGM. Des voix s’élèvent pour recommander la prudence et de nouvelles analyses.

« Il faudra que les auteurs répondent à quelques questions qui ne sont pas détaillées dans leur article, comme par exemple le protocole d'application du maïs traité, ou encore l'historique de l'élevage dont proviennent les rats, etc », estime pointe un spécialiste cité par Le Monde, qui a requis l'anonymat.

« Défendre l’interdiction au niveau européen… »

« Je regrette la médiatisation excessive de ces données scientifiques, qui méritent le temps de l'analyse », commente de son côté le médecin et biochimiste Jean-Christophe Pagès, membre du Haut Conseil des biotechnologies (HCB) et professeur à l'université François-Rabelais de Tours, cité par le même journal.

De nombreuses études de toxicologie menées sur différents OGM et sur différentes espèces n’avaient pas mis en évidence des effets toxiques. Mais elles avaient pour la plupart été menées sur des durées inférieures à deux ans et avec un plus faible nombre de paramètres contrôlés.

Les travaux de M. Séralini – dont le budget est selon lui de plus de 3 millions d'euros – ont été financés par la Fondation Charles-Léopold Mayer, par l'association Ceres (qui rassemble notamment des entreprises de la grande distribution), le ministère français de la recherche et le Criigen (Comité de recherche et d'information indépendante sur le génie génétique), association qui milite contre les biotechnologies.

Le chef du gouvernement français, Jean-Marc Ayrault, en déplacement à Dijon, a annoncé jeudi 20 septembre que si le danger des OGM était vérifié, la France « défendrait au niveau européen » leur interdiction.

« J'ai demandé une procédure rapide, de l'ordre de quelques semaines, qui permette de vérifier la validité scientifique de cette étude », a-t-il précisé.

La publication de l'étude sur le NK 603 coordonnée par le professeur Gilles-Eric Séralini est une première en termes de communication scientifique, analyse Le Monde, notant que la parution dans Food and Chemical Toxicology Journal a été accompagnée d'une opération médiatique savamment menée. L'exclusivité de l'annonce a été accordée au Nouvel Observateur, qui a en a fait sa couverture du 19 septembre. Simultanément paraissent le livre de vulgarisation de M. Séralini (Tous cobayes !, Flammarion, 224 pages, 19,90 euros), et un film du même nom réalisé par Jean-Paul Jaud, tandis qu'un documentaire télévisé sur l'expérience sera diffusé en octobre sur France 5. La lecture anticipée de l'article scientifique par les journalistes a été assortie d'un accord de confidentialité. Une clause stipule qu'en cas de non-respect, "un remboursement du coût de l'étude de plusieurs millions d'euros" pourrait être exigé. Le tout a été orchestré par une agence de communication.