Christophe Guilluy a dessiné la carte de la "fragilité sociale" (DR)

France : les laissés-pour-compte de la mondialisation cible privilégiée du Front national

Auteur de "Fractures françaises" (1), le géographe Christophe Guilluy a dessiné la carte de la "fragilité sociale", mettant en évidence des catégories populaires laisses-pour-compte dans le processus de mondialisation. Celles-ci sont aujourd'hui la cible du marketing politique de l'extrême droite. Elles préfigurent les nouvelles formes de lutte des classes. Le phénomène n'est pas spécifique à la France.

Nous sommes en présence "d'un moment historique majeur, explique le géographe, car pour la première fois dans l'histoire les catégories populaires (ouvriers, employés, jeunes et retraités qui en sont issus, donc l'immense majorité de la population) ne vivent plus dans les territoires où se créé la richesse".

C'est là, selon lui, une des clés de compréhension de l'abstention et de la montée du vote en faveur du Front National. Celui-ci travaille activement en direction de cette "France périphérique" où vivent les trois quart des catégories populaires qui subissent durement les effets négatifs de la mondialisation.

Christophe Guilluy constate notamment "qu'aujourd'hui, l'électorat du FN est majoritairement constitué d'actifs de chômeurs et de jeunes issus de catégories populaires. Inversement, le socle électoral des deux grands partis de gouvernement  (UMP et PS) est constitué de catégories relativement protégées de la mondialisation".

C'est par ailleurs la fragilité économique et sociale de ces territoires dispersés qui explique leur "radicalisation", note Le géographe qui se réfère aux manifestations en Bretagne. "Ces cinq dernières années les seules territoires qui ont crée de l'emploi sont les territoires des grandes métropoles (au maximum 40 % de la population) espaces intégrés à l'économie monde (qui concentrent l'essentiel des couches supérieures et des flux migratoires)", précise-t-il.

Le processus ainsi décrit est enfin à peu prêt identique dans l'ensemble des pays développés, relève le chercheur, car "le projet économique des classes dominantes n'intègre pas les classes populaires, bien qu'elles restent majoritaires". 

Une chose au moins est à présent sûre au regard de la réalité en France: faute d'apporter des réponses concrètes aux attentes de ces catégories de la population, par les temps qui courent, la majorité présidentielle ouvre de grands boulevards à l'extrême droite.

(1) Champs Flammarion (réédition 2013)