La « Mise en bouteille au château » expliquée à Barroso
Par nicolas éthèvePublié le
Sénateur socialiste de l'Hérault, Robert Navarro a adressé, mardi, un courrier au Président de la Commission europpéenne, José-Manuel Barroso, pour lui demander, non sans humour, de veiller très sérieusement à ce que la mention « Mis en bouteille au Château » ne soit pâs bradée, le 25 septrembre prochain.
Ce mardi, le comité de gestion doit en effet « discuter » à l'échellon euopéen « de l'autorisation demandée par les producteurs de vins américains » dans le sens d'une galvaudation de cette appellation, une « proposition à laquelle les services de la Commission européenne sont très favorables », rappelle, dans son courrier, le sénateur héraultais, notamment membre du groupe d'études « vigne et vin » au Palais du Luxembourg.
Dans cette missive, Robert Navarro explique, très pédagogiquement, les tenants et aboutissements de cette appellation et les conséquences qu'aurait son éventuelle altération sur l'activité des viticulteurs français, tant sur le plan économique que symbolique, les deux étant liés. En voici la preuve dans cet extrait que nous attirons à votre attention, avant de vous laisser découvrir in extenso ce courrier savoureux qui, par souci de légèreté, n'hésite pas à recourir, à plusieurs citations d'albums de Tintin, en référence au si cher château de Moulinsart, un jour rêvé par Hergé :
« Comme les mots ont encore un sens dans un monde où les repères se perdent, il convient de s’attacher à celui du mot « Château ». En Europe, cette mention désigne un vin produit dans des régions d'origine contrôlée, uniquement à base de raisins récoltés et vinifiés sur la propriété. Aux Etats-Unis, le raisin peut venir de différents récoltants ce qui, chez nous, relève de la mention « Mis en bouteille dans la région de production » : il s'agit de vins de négociants dont les vins sont mis en bouteille en dehors de l'Appellation revendiquée. Ce sont des produits standard, sans réelle identité, sans terroir.
Aussi, je vous en conjure : ne ridiculisez pas le projet européen avec des idées non seulement farfelues, mais dangereuses. Accepter ce détournement de terminologie, c’est ouvrir la voie à une tromperie généralisée du consommateur. Surtout, les enjeux économiques sont majeurs. Alors que le Parlement européen vient d’adopter un paquet qualité – qui concerne un large éventail de produits agricoles, mais exclut le vin – il est essentiel de protéger et valoriser ce pan magistral de la culture, de l’histoire et de l’économie européenne : la viticulture ! »
La lettre de Robert Navarro à José Manuel Barroso :
Objet :Une erreur, ça va ; trois, bonjour les dégâts !
Monsieur le président de la Commission européenne,
Ancien député européen, actuellement sénateur, j’ai toujours été un grand défenseur du projet européen. Même lorsque cela était difficile, comme pour le projet de Constitution, j’ai mouillé la chemise. Avec la crise, je suis convaincu que nous avons besoin de plus d’Europe : l’intégration solidaire est la seule issue pour notre continent. Sur le terrain, les citoyens sont chaque jour plus sceptiques, mais je persiste à mener ce travail d’explication, de pédagogie et de conviction. Et, croyez-moi, quand on quitte Bruxelles et le cénacle européen, c’est une tâche herculéenne !
Aussi, quand vos services, et plus particulièrement l’un de vos Commissaires, s’illustrent avec des propositions non seulement sans intérêts, mais qui heurtent l’opinion publique, je ne comprends pas que vous laissiez faire un tel gâchis qui abime l’Europe et le projet européen dans son ensemble.
En 2009 par exemple, des buveurs d’eau minéral (1) avaient eu la grande idée de vouloir autoriser la fabrication de vin rosé en mélangeant du vin rouge et du vin blanc. Heureusement, une mobilisation citoyenne en Europe a permis d’empêcher ce projet.
Un an avant, des cornichons diplômés (2) avaient proposé et obtenu de libéraliser les droits de plantation ; la bataille n’est pas encore terminée, même si de toute évidence ce projet n’aboutira pas.
Troisième idée farfelue apparue ces jours-ci dans la presse : des marchands de guano (3) dont l’ambition devrait être la réussite du projet européen - proposent de brader la mention « Mis en bouteille au Château » en autorisant les exportateurs américains à l’utiliser.
C’est le 25 septembre prochain que le Comité de gestion doit discuter de l'autorisation demandée par les producteurs de vins américains, proposition à laquelle les services de la Commission européenne sont très favorables.
Comme les mots ont encore un sens dans un monde où les repères se perdent, il convient de s’attacher à celui du mot « Château ». En Europe, cette mention désigne un vin produit dans des régions d'origine contrôlée, uniquement à base de raisins récoltés et vinifiés sur la propriété.
Aux Etats-Unis, le raisin peut venir de différents récoltants ce qui, chez nous, relève de la mention « Mis en bouteille dans la région de production » : il s'agit de vins de négociants dont les vins sont mis en bouteille en dehors de l'Appellation revendiquée. Ce sont des produits standard, sans réelle identité, sans terroir.
Aussi, je vous en conjure : ne ridiculisez pas le projet européen avec des idées non seulement farfelues, mais dangereuses. Accepter ce détournement de terminologie, c’est ouvrir la voie à une tromperie généralisée du consommateur. Surtout, les enjeux économiques sont majeurs. Alors que le Parlement européen vient d’adopter un paquet qualité – qui concerne un large éventail de produits agricoles, mais exclut le vin – il est essentiel de protéger et valoriser ce pan magistral de la culture, de l’histoire et de l’économie européenne : la viticulture !
C’est un élu du Languedoc-Roussillon, un territoire au vignoble très ancien datant d'avant la fondation de la Gaule narbonnaise, qui vous lance cet appel solennel !
En comptant sur votre sagesse, je vous prie de croire, Monsieur le président de la Commission européenne, en l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Robert Navarro
(1). in Objectif Lune, Hergé.
(2). in L'affaire Tournesol, Hergé.
(3). in Tintin et les Picaros, Hergé.
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