Sécheresse, famine, déplacements, guerre et pénurie de financements... l'horreur en Afrique
Par N.TPublié le
Le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) lance une alerte sur le risque d’un nombre de morts «massif» en Afrique… Quelque 20 millions de personnes sont sous la menace, dont 4,2 millions de réfugiés.
Aïcha Yussuf Abdi, mère de famille somalienne âgée de 40 ans, est une héroïne. Elle s’est accrochée à un fil d’espoir pour sauver ses sept enfants de la famine. Ensemble, ils ont péniblement cheminé trois jours durant depuis la frontière pour rejoindre l’Éthiopie voisine.
«Nous avons marché et dormi sur la route. J’ai dû laisser mon mari et mes parents en Somalie afin que mes enfants puissent survivre», raconte-t-elle, une fois arrivée au centre de réfugiés Dollo Addo. On peut lire le récit de leur détresse sur le site du HCR, parmi d’autres… un incroyable tableau de cette horreur qui décime des centaines de milliers d’Africains.
Partout, sur de vastes territoires, un seul et même cycle : faute d’eau, la terre agonise, puis meurent les animaux, puis se dresse l’obstacle infranchissable de la cruauté des hommes répandue dans d’interminables conflits sanglants. «Certaines zones sont inaccessibles. Vous ne pouvez pas obtenir d’aide car Al Shabab (réseau de groupes armés islamistes, qui sèment la terreur – NDLR) est là», raconte Ali Saïd, 31 ans, père de huit enfants, réfugié somalien.
Les familles qui n’ont pu traverser la frontière tentent le déplacement sur le territoire. Durant ces quatre derniers mois, quelque 256 700 personnes se sont ainsi lancées sur les chemins de l’errance, en quête de nourriture et d’abri, selon le HCR. Les humanitaires redoutent la répétition de l’épisode abominable de 2011 : plus de 250 000 Somaliens avaient alors péri, morts de faim et d’épuisement. Des centaines de milliers d’autres ont réussi à franchir la frontière. Plus de 1,4 million de Somaliens vivent en exil. L’Éthiopie frontalière en accueille 245 000.
«La communauté internationale doit adopter une nouvelle façon de réagir à ces crises, en répondant d’abord aux besoins urgents tout en investissant dans le développement d’opportunités pour les réfugiés de retrouver l’autonomie et en contribuant positivement au développement de la population d’accueil», explique Surrya Riaz, employée du HCR en charge de la protection à Melkadida, peut-on lire sur le site du HCR.
Les enfants, premières victimes..
Des propos sans doute pertinents, mais qui n’en dévoilent pas moins la difficulté à agir sur le terrain. Le drame est de grande ampleur. Yémen, Nigeria, Soudan du Sud, Somalie, Éthiopie, Tanzanie, Rwanda, Ouganda, Kenya… près d’une dizaine de pays sont durement touchés. Le HCR a lancé, mardi 11 avril, une alerte qui laisse présager le pire : le risque d’un nombre de morts «massif».
L’ONU lance «cet avertissement (...) à la lumière des sécheresses qui affectent de nombreux pays voisins de la corne de l’Afrique et du Nigeria, et de la pénurie de financements devenue si grave qu’une crise humanitaire, qui aurait pu être évitée, peut-être pire que celle de 2011, est en train de devenir inévitable», a déclaré un porte-parole du HCR, Adrian Edwards, lors d’un point de presse à Genève.
Aux calamités naturelles vient ainsi s’ajouter le grave renoncement des donateurs à leurs engagements. Les Nations unies sont en demande de 4,4 milliards de dollars. Seulement 21 % des fonds ont été récoltés, soit 984 millions.
On ne le répétera sans doute jamais assez : les enfants sont les premières victimes de cette horreur. Quand ils survivent, ils végètent dans des camps, privés de scolarité, dépendant du triste sort de leurs parents, sous-alimentés… Ils représentent 62 % des réfugiés en provenance du Soudan du Sud. À Djibouti, les rations ont été réduites de 12 % ; en Éthiopie, en Tanzanie et au Rwanda, de 20 % à 50 %, et en Ouganda, jusqu’à 75 %. Épouvantable et révoltant !
Source: Humanité Dimanche n° 557