France : le ministre de l’Intérieur s’attaque aux sans-papiers intégrés dans l’économie
Par N.TPublié le
Bruno Retailleau a présenté une nouvelle circulaire visant à durcir les conditions de régularisation des personnes sans papiers qui travaillent et sont économiquement intégrées en France. Ce texte, applicable dès le 24 janvier 2024, marque une rupture avec la circulaire Valls de 2012, qui prônait une approche plus souple et humaniste de la régularisation. Vives réactions dans le monde du travail et des associations.
Sans surprise, Retailleau parle de réponse aux attentes des Français, tout comme l’extrême-droite dont il semble être de plus en plus la tête de pont. La mesure suscite cependant de vives critiques de la part des associations de défense des droits des migrants et des partis politiques de gauche, ainsi que des inquiétudes dans des secteurs économiques sous tension où les immigrés sont d'un grand apport.
La circulaire, adressée aux préfets, ne modifie pas les textes de loi existants mais renforce les critères d’éligibilité à la régularisation. Elle exige une durée de présence minimale de sept ans en France, l’absence de menace à l’ordre public, la justification d’un emploi réel dans un métier en tension, selon une liste mise à jour par le ministère du Travail.
Le fantasme de « l’appel d’air »
Bruno Retailleau insiste sur le fait qu’il n’existe pas de « droit automatique » à la régularisation et que celle-ci doit rester exceptionnelle. Il brandit la menace du fameux « appel d’air », argument favoris de Marine Le Pen et Jordan Bardella. Un raccourci qui ne correspond aucunement à la réalité de l’immigration, sachant que les personnes dans ce cas fuient surtout la misère et la guerre.
La circulaire Valls, mise en place en 2012 sous la présidence de François Hollande, prônait une politique d’immigration « lucide et équilibrée ». Elle permettait la régularisation de sans-papiers dans des situations spécifiques, comme les parents d’enfants scolarisés depuis au moins trois ans, les jeunes majeurs ayant grandi en France ou les victimes de violences conjugales. Elle accordait également une importance centrale au travail, en permettant une régularisation après trois ans de présence en France et vingt-quatre mois d’activité professionnelle, dont huit dans les douze derniers mois.
En Île-de-France,40 % des employés de l’hôtellerie-restauration sont issus de l’immigration
Les associations de défense des droits des migrants dénoncent une mesure qui risque d’aggraver la précarité des sans-papiers. La Fédération des acteurs de la solidarité craint que cette circulaire "ne plonge davantage de personnes dans la précarité, une situation qui inquiète de plus en plus de Français". Elle demande le retrait du texte, le respect des marges de manœuvre des préfets et la fin des OQTF systématiques.
Les professionnels de l’hôtellerie-restauration, du bâtiment et des services à la personne expriment leur inquiétude face à cette nouvelle circulaire. En Île-de-France, par exemple, 40 % des employés de l’hôtellerie-restauration sont issus de l’immigration.
Une exploitation politique
Franck Delvau, président de l’Union des métiers de l’hôtellerie-restauration (Umih) en Île-de-France, craint que l’application stricte des nouveaux critères ne pose des problèmes de recrutement dans un secteur déjà en difficulté.
Des employeurs et des travailleurs sans papiers témoignent également de leur désarroi. Des restaurateurs déplorent les difficultés à recruter et jugent les nouvelles règles encore plus pénalisantes pour leur activité.
Faute de pouvoir faire adopter une nouvelle loi sur l’immigration, Retailleau tente de sauver les meubles pour consolider sa position sur l’échiquier politique à droite.