Trois ans après le drame du Rana Plaza, les ouvriers toujours en danger au Bangladesh
Par N.TPublié le
Absence de sortie de secours, de pare-feu : trois ans après l’incendie qui avait fait 1 138 morts au Bangladesh, les promesses d’amélioration des conditions de travail faites par les grandes firmes ne sont toujours pas effectives. Combien de tragédies encore avant d’assurer la santé et la sécurité ?
L’événement, de triste mémoire, porte l’empreinte des grands distributeurs de vêtements – H & M, Zara, Primark, Mango –, de leur appétit insatiable de profits engrangés par l’utilisation d’ateliers de fabrication d’un autre âge : ouvriers et machines entassés au moindre coût par des patrons sans scrupule dans des locaux improvisés, avec, pour seul et unique souci le respect des cadences et des délais de livraison…
Le 24 avril 2013, dans le faubourg ouest de Dacca, la capitale du Bangladesh, s’effondrait au petit matin le Rana Plaza, un immeuble délabré qui abritait plusieurs ateliers employant au total plus de 3 000 personnes, des petites mains occupées à la confection des vêtements qui iront garnir les vitrines des magasins occidentaux. Mille cent trente-huit d’entre eux trouveront la mort sous les dalles et les gravats, 2 500 autres seront gravement blessés… Une scène apocalyptique.
Le drame avait choqué l’opinion internationale et provoqué, dit-on, une prise de conscience chez les donneurs d’ordres. Les marques de vêtements mettront toutefois deux longues années à alimenter un fonds de compensation destiné aux indemnisations des victimes. Mais pas seulement. Trois ans après le drame, et malgré la signature en 2013 d’un accord sur les incendies et la sécurité des bâtiments, les ouvriers continuent à risquer leur vie sur les chaînes d’approvisionnement, au Bangladesh comme ailleurs. Les engagements de «transparence» et d’«amélioration» des conditions de travail sont le plus souvent passés à la trappe ou ont débouché sur la mise en place, ça et là, de quelques dispositifs de protection.
Les complicités de h&M
La grande majorité des fournisseurs de H & M n’ont toujours pas achevé les réparations de leurs bâtiments, 50 % d’entre eux ne disposent toujours pas de sorties de secours, révèle, dans un rapport datant de janvier 2016, le Centre international de solidarité ouvrière (CISO). Le 2 février dernier, un incendie ravageait une partie des installations de l’usine textile Gazipur, au Bangladesh, qui fournit, entre autres, H & M. Les sapeurs-pompiers sont intervenus quatre heures durant. Le sinistre s’était déclaré avant l’arrivée de la grande majorité des ouvriers. Une heure plus tard, «6 000 travailleurs auraient été en danger de mort», dénoncent les ONG, très mobilisées depuis la catastrophe du Rana Plaza, lesquelles venaient de constater que la moitié des fabricants pour le compte de la marque au Bangladesh n’avaient pas encore installé de coupe-feu.
Notons, pour la petite histoire, que lesdits fournisseurs ont vu défiler nombre d’inspecteurs missionnés par des organisations mises en place dans le cadre d’accords conclus avec les syndicats et les ONG et que de graves défaillances à la sécurité ont été régulièrement révélées. Les rapports ont eu le temps de refroidir, les réparations ont traîné en longueur, mais les donneurs d’ordres n’ont pas cessé pour autant de passer commande. Ils se donnent bonne conscience en communiquant sur l’«éthique».
Ainsi, seulement 10 fabricants, parmi les 229 qui fournissent H & M au Bangladesh, seraient «en bonne voie» de correction depuis le Rana Plaza, révèlent les ONG. Celles-ci pointent la « complaisance» de la firme à l’égard de cette multitude de patrons complices. «Combien de tragédies seront nécessaires avant que l’on ne respecte la santé et la sécurité de ces femmes au travail, qu’elles aient un salaire décent et qu’elles puissent enfin être entendues, dans le respect de leur droit d’association et de négociation ?» s’interroge Amélie Nguyen, coordonnatrice du CISO.