Écrans des nouveaux cinémas arabes : «Vivre ici»: de Zarzis jusqu'à nous, l’écho d’un espoir
Par N.TPublié le
«J’en ai pris plein la tête, plein les yeux, plein les oreilles» s'exclamera un spectateur à la fin de la séance. La soirée d’ouverture des « Écrans des nouveaux cinéma(s) arabes », qui s'est déroulée le mardi 24 mai à Marseille, mettait en valeur la dernière œuvre de Mohamed Zran, réalisateur tunisien, présent lors de la projection.
Long métrage documentaire, Vivre ici raconte Zarzis deux ans avant les révolutions du printemps arabe. Originaire de la ville, ce projet tenait à cœur au cinéaste : «après le film "Le Prince", je souhaitais faire autre chose, parler autrement. Zarzis est une ville symbole où vivent chrétiens, juifs, et musulmans. Dans ma tête, j’ai fait un casting imaginaire des gens que je connaissais depuis mon enfance».
Réunie autour de Simon, l’épicier de confession juive, la galerie diversifiée de portraits apporte un éclairage particulier à la ville et à ses ambiguïtés. Les tensions surgissent des contraires et remettent en question tradition et modernité, rêves et désillusions dans un monde de plus en plus flou.
Zarzis, microcosme de la complexité de la Tunisie et de ses problèmes, nous livre ses malaises et ses bonheurs par tranche de vie. Chaque séquence est une rencontre où les personnages du film sont à la recherche d’un équilibre. «Qu’est ce que cherche l’autre en moi et moi en lui ? Lorsque Fakhri et son amie allemande se tiennent la main ils sont en équilibre mais chacun sur un pied», comme le montre l' affiche du film. Le regard humaniste de Mohamed Zran s’affranchit des frontières et donne au film une universalité touchante qui tisse en filigrane l’espoir d’un monde meilleur.
Cet espoir, Mohamed Zran l’a filmé lors de la révolution de janvier et de la chute de Ben Ali. Les spectateurs ont pu en avant-première voir les extraits de son film "Dégage!" dont la sortie est prévue en janvier 2012. «L’un des moments les plus extraordinaires de ma vie est lorsque j’ai traversé caméra à la main un cordon de 200 CRS. J’ai filmé les têtes, les corps, les pieds et les godasses. Puis j’ai commencé à parler et à dire : je suis libre !»
Ému par le sort des migrants tunisiens en France et à Marseille, le cinéaste double ses œuvres d’un plaidoyer sur l’absurdité des barrières : «Ces jeunes ont des rêves. Ils ne partent pas forcément à cause de la pauvreté mais pour vivre une expérience, pour découvrir un monde qui leur était jusqu’à présent fermé. Les visas et le racisme sont les nouveaux murs de Berlin. C’est quelque chose qui me révolte!»
Isabelle Appy