Bouteflika déterminé à ne pas lâcher le pouvoir, l’Algérie dans une impasse
Par N.TPublié le
Malgré son état de santé, le président Abdelaziz Bouteflika décide de se porter candidat à un quatrième mandat. Les Algériens sont partagés entre résignation, colère et indignation. Le clan présidentiel s’accroche au pouvoir pour préserver ses intérêts et continue à réprimer toute contestation.
Tous derrière et lui devant ! Abdelaziz Bouteflika se portera candidat à sa succession pour un quatrième mandat, et il entrera en piste suivi d’une poignée de postulants pour donner l’illusion d’un scrutin pluraliste. Peu importe son incapacité incontestable à assumer la charge présidentielle, peu importe son âge (76 ans) et le ras-le-bol évident d’une large majorité d’Algériens, malheureusement résignés devant l’inertie d’un système politiquement verrouillé, nourri de la seule rente énergétique, pourri de corruption ; disposés à s’en accommoder de crainte de voir réapparaître les apprentis sorciers en embuscade et flamber à nouveau la violence qui déchira le pays une décennie durant. Des Algériens auxquels le président sortant n’a pas pris la peine de s’adresser, laissant à son premier ministre le soin d’annoncer sa candidature, « à la demande insistante des représentants de la société civile des 46 wilayas (départements) visitées » lors de ses tournées. L’appel pressant à l’homme providentiel garant de la « stabilité ». Un brin cynique pour un président dont le règne a été marqué par la fraude électorale, Bouteflika s’est en plus fendu d’un communiqué sommant l’Administration d’observer « une stricte neutralité » lors du scrutin.
Dernier acte donc d’un épisode à faux suspense, consacré en réalité à la préparation du terrain pour écarter le moindre obstacle. Les fidèles ont été placés à la tête des secteurs clé, l’Intérieur, de la Justice, de la Commission électorale, du Conseil constitutionnel. Les généraux potentiellement gênants poussés vers la sortie, le redoutable département du renseignement et de la sécurité (DRS) « restructuré » et son trop puissant patron, le général major Mohamed Médienne -acteur essentiel de la lutte antiterroriste-, livré à la vindicte du secrétaire général du FLN, un homme de paille récemment propulsé à la tête de l’ex-parti unique, appareil plus que jamais indispensable, avec le RND (1), pour mettre en branle les réseaux clientélistes huilés d’argent sale disponible auprès de hordes de rapaces qui ont largement profité du système.
Dernier acte ?
« Nous sommes passés d’un processus électoral à un coup d’État », dénonce Soufiane Djilali, président du parti Jil Jadid (Nouvelle Génération), seule formation d’opposition jusque-là en course, qui se retire désormais. « Nous sommes arrivés à la fin d’un parcours, or ils font tout pour se maintenir (les membres du clan présidentiel, ndlr). Les algériens qui ont compris les enjeux sont écœurés », s’offusque-t-il. L’indignation est en effet grandissante sur les réseaux sociaux tandis que le quotidien francophone El Watan titre « Il a osé ! » en livrant un éditorial au vitriol. Ahmed Benbitour, Chef du gouvernement de fin 2009 à l’été 2000, également candidat, devrait confirmer son retrait. Ali Benflis, autre ex-premier ministre (août 2000 à septembre 2001) à se hasarder face au messie, pourrait aussi jeter l’éponge, sans quoi il risque de renouveler sa cuisante défaite de 2004. « Les réseaux qu’il a entretenu auprès du FLN, de l’armée et du DRS, ne seront pas suffisants », face à Bouteflika, selon Fodil Mézali, patron du quotidien de gauche La Cité.
Dernier acte enfin pour surtout assurer la « bonne » succession de Bouteflika, président en très mauvaise santé, dont le règne sera forcément court. D’où l’urgence de réviser la Constitution dans la lancée de la victoire électorale et d’installer un vice-président, « homme du consensus ». Obsession du régime : protéger les intérêts de ce qui est devenu une véritable caste aux ramifications multiples dans tous les centres de pouvoir, en épargner les membres qui pourraient avoir à rendre des comptes devant la Justice.
« L’enjeu fondamental n’a pas changé : il s’agit de la consolidation des rapports de force préexistant au sein du sérail et le renforcement du statu-quo dans l’économie de bazar », explique Rachid Tlemçani, politologue et enseignant-chercheur à la faculté de sciences politiques de l'université Alger, interrogé par le journal en ligne TSA.com. « Les différents groupes (du sérail) ont toujours été d’accord pour le maintien d’une économie néo-libérale reposant sur la rente énergétique. Le conflit est celui du leadership pour gérer la distribution de cette rente », ajoute-il. Mais pas seulement, il faut aussi veiller à écraser les libertés associatives et syndicales, à entraver l’expression des formations d’opposition, à consolider la chape de plomb qui pèse sur la société. Avec l’économie de bazar, lot de consolation des islamistes, la répression est en effet au cœur du système Bouteflika. Sa candidature est annoncée dans un climat de violences policières, d’arrestations de jeunes manifestants contre la précarité et d’étudiants dénonçant publiquement le « mandat de la honte ».
(1) Rassemblement national démocratique