France : ce qu’il faut savoir sur la déchéance de nationalité
Par nicolas éthèvePublié le
De l’abolition de l’esclavagisme au 19ème siècle aux terroristes de 2015, en passant par Charles de Gaulle, la question de la déchéance de nationalité agite à nouveau la France avec des conséquences qui pourraient bien être désastreuses à l’avenir. Zoom…
Sur le papier, on peut comprendre que l’immense majorité des français blessée dans son corps après les attentats du 13 novembre applaudisse des deux mains quand on lui parle de déchéance de nationalité. Mais au-delà de la surface des choses, voici tout ce qu’il faut savoir sur ce concept qui va désormais dangereusement alimenter le débat national en France, jusque dans les repas de familles de vos foyers, explications en trois points.
Petite histoire de la déchéance de nationalité française
La déchéance de nationalité est possible dans le droit français depuis 1848. Suite à l’abolition de l’esclavage, un décret a prévu que tout citoyen français continuant d’exploiter ainsi son égal, qu’il soit homme ou femme, serait purement et simplement déchu de la citoyenneté française. Plus tard au 20ème siècle, dans les années 40, Charles de Gaulle, lui-même en a fait les frais avant d’être le Président de la Cinquième République. Alors qu’il était le corps de l’esprit de la résistance dans la France vaincue par l’armée hitlérienne, et ce, sous la signature du Maréchal Pétain à la tête du gouvernement de Vichy, gouvernement de collaboration avec les Nazis : Charles de Gaulle a été déchu de la nationalité française par décret avant de relever la tête de la France avec tous ses résistants de valeurs. A ses côtés, 15 000 autres personnes, des opposants politiques à Vichy et des juifs, tels que la famille Gainsbourg, ont été déchues de la nationalité française. En 1994, un décret a fait évoluer la loi française sur la déchéance de nationalité ainsi, au travers de l’article 25 du code pénal : une personne ayant acquis la nationalité française depuis moins de 15 ans, qui a commis un délit ou un crime, un acte de terrorisme ou une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation peut être déchue de sa nationalité. En cette fin d’année 2015, François Hollande, président de la République Française, et Manuel Valls, Premier Ministre de son gouvernement, souhaitent étendre dans la constitution cette possibilité de la déchéance de nationalité aux binationaux nés Français.
En octobre 2015, un mois avant les attentats de Paris, Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur du gouvernement français, avait procédé à la déchéance de nationalité par décret pour cinq terroristes, quatre Franco-Marocains et un Franco-Turc.
Alors pourquoi tout ce ramdam de fin 2015 en forme de fin des temps ?
C’est bien là que le bât blesse. Si la déchéance de nationalité est déjà un outil utilisable dans la République française qui sait aussi fort heureusement très bien se défendre en cas d’attaque terroriste, cette communication politique constitutionnelle actuelle vise tout simplement à flatter le penchant majoritairement national populiste de l’électorat français, à commencer par celui d’extrême droite, le Front National étant à l’origine de ce slogan très insistant sur la déchéance de nationalité qu’il faudrait prétendument renforcer. Gros problème, à l’horizon : si on peut s’interroger sur l’utilité de vouloir monter d’un cran l’artillerie constitutionnelle d’un outil qui existe déjà dans les arcanes de la République française, on peut douter à bien des égards quant à l’efficacité de cette mesure.
Foire aux questions
Première question : quel apprenti terroriste radicalisé aura peur d’être déchu de la nationalité française alors que son seul rêve est de mourir en causant le maximum de morts tant sa haine de la France et de ce qu’elle représente est déjà forte ?
Deuxième question : quel impact aura cette mesure sur tous ces Français de deuxième ou troisième génération qui se sentent déjà depuis longtemps mis au ban de la société française, emprisonnés dans leurs cités insalubres et à deux doigts d’exploser dans la folie terroriste, aussi par manque de culture, d’éducation et de repères ?
Troisième question : quel impact aura cette réforme sur ceux qui méprisent ces Français communément appelés les « arabes », même quand ils sont très « intégrés », que ce soit dans le beau paysage de la Corse ou sous un uniforme de police ?
Quatrième question : quel impact aura cette réforme constitutionnelle si un jour ce ne sont pas des Républicains au pouvoir de la France, mais des aspirants dictateurs ?
Pour conclure toutes ces questions aux réponses évidentes et inquiétantes pour l’avenir, à l’aube de l’an 2016, on le rappelle ici, en se demandant seulement si cela est entendu et compris, à moins que ce ne soit l’objectif ciblé : Daech et l’extrême-droite se frottent les mains autour de leur rêve cauchemardesque toujours un peu plus proche d’une guerre civile qui ferait basculer la République Française dans ses fondements et l’Etat français, aujourd’hui dirigé par la gauche, fonce comme un train fou, droit devant…