La présidentielle au Mali, une élection aux enjeux multiples
Par N.TPublié le
Entretien réalisé par Meriem Abdou
Sécurité, restauration de l’autorité de l’état sur l’ensemble du territoire, réconciliation nationale, c’est ce qu’attendent les huit millions d’électeurs Maliens de cette présidentielle, une course au fauteuil du Palais de Koulouba qui oppose principalement le chef de l’état sortant Ibrahim Boubacar Keita 71 ans à Soumaïla Cissé, 68 ans, ancien Ministre des finances.
La sécurité du Mali a été le maitre mot durant toute la campagne électorale, et c’est sans nul doute l’un des principaux enjeux de cette présidentielle .Sur le terrain, le pays est toujours en proie a de sérieuses tensions sécuritaires. L’opération française barkhane, qui a pris le relais de l'opération Serval lancée en 2013, montre ses limites. Alger attend du vainqueur une relance de l’accord de paix signé en 2015. Une restauration de l’autorité de l’état sur l’ensemble du territoire Malien est, en outre, prudemment scrutée.
Professeur de sciences économiques et Chroniqueur économique chez "Radio National de Angola" canal international, Michel ABDELOUHAB, revient dans cette Interview sur cette « élection aux enjeux multiples ».
M.A : Au mali le scrutin présidentiel est censé dynamiser la mise en œuvre de l’accord de paix de 2015, dans quelle mesure cette échéance sera-t-elle déterminante pour l’ensemble du Sahel ?
Michel ABDELOUHAB : Ces élections ont en fait pour fonction, pour but politique, de fédérer toutes les tendances ethno politiques confondues, d'amorcer un plan de développement économique pour les régions du nord, ainsi que la mise en place de la décentralisation, revendication première des groupes touareg. La lutte contre la corruption est intégrée aussi dans cette dynamique. En effet, les solutions militaires n'ont pas réussi à régler le problème. Seule une solution politique, institutionnelle, et économiques peut permettre des avancées en matière de lutte contre le terrorisme dans cette sous région.
M.A : Les élections au Mali semblent être déterminantes pour le pays et même au delà, quel est le véritable enjeu ?
Michel ABDELOUHAB : La situation sécuritaire est très préoccupante, cinq ans après l'intervention militaire française et internationale. Les formes et la géographie de l'insécurité et de la violence ont changé : l'opération Serval, puis Barkhane, le déploiement de l'opération des Nations unies et le redéploiement progressif des forces maliennes ont permis de reprendre le contrôle formel de l'essentiel du territoire. Les groupes armés estampillés terroristes ne pouvaient ainsi plus s'installer et occuper durablement une ville ou une bourgade. Ceux qui ont intégré le processus de paix ont, quant à eux, conservé une forte présence sur leurs territoires respectifs d'ancrage local et collaborent plus ou moins à la mise en œuvre de l'accord de paix issu du processus d'Alger. Mais les éléments qui se définissent comme djihadistes se sont éparpillés puis réorganisés et harcèlent les forces militaires par des attaques terroristes régulières. Ils n'ont pas hésité à attaquer récemment le quartier général de la force conjointe du G5 Sahel.
Les attaques terroristes au cours des dernières années ont touché les pays voisins du Mali, et les zones frontalières avec le Burkina Faso et le Niger sont devenues plus dangereuses. La situation la plus grave est néanmoins celle du centre du pays, autour de Mopti, où les violences intercommunautaires ont pris une dimension très inquiétante du fait de la sécheresse. Dans un pays de grande diversité ethnoculturelle comme le Mali, ces violences sont de nature à casser encore davantage la cohésion sociale et à créer un terreau encore plus favorable à toutes les formes de criminalité. La réponse à l'insécurité au Mali doit prendre des formes différentes en fonction des régions, et nulle part sur le territoire, elle ne peut se limiter à des interventions militaires..
M.A : Cette présidentielle est suivi de prés par Paris qui a engagé des troupes au Mali. quels sont les enjeux de cette élection pour la France ?
Michel ABDELOUHAB : La solution militaire semble incapable de régler les multiples crises au Mali. Le président IBK n'a-t-il d’ailleurs pas souhaité que cette élection soit une fête de la démocratie, devant générer un vent d’optimisme, cimenter la nation malienne, attirer l'investissement et donc apporter la prospérité et avec elle, la diminution du terrorisme dans le nord de ce pays.
A cet égard, le G5 sahel et Barkhane semble bien impuissant a régler ces problèmes de violence et d'insécurité. Barkhane, c'est 1.5 million d'euros par jour, mobilisant 4500 soldats dans un contexte de rigueur budgétaire et de diminution des déficits promis par le président Macron. Les élections présidentielles sont scrutées par les autorités Françaises. Elles espèrent qu'elles enclencheront une dynamique de paix au Mali, ce qui, mécaniquement, diminuera l'engagement de la France.
Entretien réalisé par Meriem Abdou