Les huîtres et moules de l’Étang de Thau interdites à la vente à la veille du réveillon
À la veille du réveillon, un coup dur frappe la côte languedocienne : les huîtres et les moules de l’Étang de Thau sont interdites à la vente. Les autorités sanitaires ont détecté une contamination virale, provoquant une interdiction immédiate de commercialisation. Une mesure qui bouleverse les producteurs, les consommateurs et tout un territoire à la veille des fêtes.
La décision est tombée ce mercredi 31 décembre, en pleine effervescence de la Saint-Sylvestre. Par arrêté préfectoral, la préfecture de l’Hérault a annoncé la suspension immédiate de la récolte et de la vente des huîtres et moules issues de l’Étang de Thau. En cause : la présence du norovirus, un agent pathogène responsable de gastro-entérites aiguës. L’alerte sanitaire concerne l’ensemble des coquillages pêchés ou conditionnés après le 22 décembre 2025.
Les consommateurs sont invités à la plus grande prudence : tout lot portant la mention “Étang de Thau” ou “Bouzigues” et daté après cette période doit être rapporté ou détruit. Les produits vendus avant cette date restent, eux, considérés comme sûrs. Le ministère de l’Agriculture a publié un rappel national sur la plateforme rappel.conso.gouv.fr, soulignant que les coquillages incriminés peuvent provoquer “vomissements, diarrhée, douleurs abdominales et fièvre dans les 48 heures suivant l’ingestion”.
Une contamination liée aux intempéries et un choc pour les producteurs
Située entre Sète et Mèze, la lagune de Thau représente à elle seule près de 10 % de la production nationalereda d’huîtres. Chaque fin d’année, les tables ostréicoles se remplissent, et les producteurs réalisent parfois jusqu’à 40 % de leur chiffre d’affaires en deux semaines. L’interdiction tombe donc comme un coup de massue. “Nous avons dû stopper les expéditions du jour au lendemain, alors que les camions partaient pour les marchés de Paris et Lyon”, témoigne un conchyliculteur de Bouzigues cité par TF1 Info. “C’est une catastrophe économique. On parle de dizaines de tonnes invendues.”
Les premières analyses effectuées par le laboratoire de l’Ifremer ont révélé la présence du virus dans plusieurs échantillons d’eau et de coquillages. Le norovirus, extrêmement résistant, se transmet par voie fécale et contamine souvent les milieux aquatiques après des épisodes de fortes pluies ou de débordements de réseaux d’assainissement. Or, la région a connu ces dernières semaines de violentes intempéries, provoquant un afflux d’eaux usées dans la lagune. “C’est un scénario classique après des pluies diluviennes”, expliquent les services vétérinaires. “Le système naturel de filtration des coquillages fait qu’ils concentrent le virus dans leur chair.”
Cette contamination n’est pas une première. L’Étang de Thau avait déjà été temporairement fermé à plusieurs reprises au cours des dix dernières années, notamment en 2014 et en 2021, à la suite de phénomènes similaires. Chaque fois, la réouverture est conditionnée à deux séries d’analyses négatives espacées de quelques jours. “Nous espérons que tout rentrera dans l’ordre rapidement”, confie un producteur local. “Mais pour le réveillon, c’est trop tard.”
Pour les habitants du bassin de Thau, cette interdiction a aussi une dimension symbolique. Les huîtres de Bouzigues, emblématiques du littoral languedocien, sont un produit de fête et d’identité régionale. Dans les halles de Sète, les étals ont été remplacés par des panneaux d’avertissement. Certains restaurateurs, eux, tentent de sauver les menus de la Saint-Sylvestre : “On a trouvé des huîtres d’Arcachon pour tenir le service”, explique un chef du quai de la Marine. “Mais ce n’est pas la même chose. Nos clients viennent pour le goût de Thau.”
La préfecture assure que la mesure est purement préventive et réversible. Les autorités sanitaires effectueront de nouvelles analyses dès la semaine prochaine pour déterminer si la contamination persiste. En attendant, les consommateurs sont appelés à ne pas céder à la panique mais à respecter les consignes de sécurité alimentaire. “Mieux vaut renoncer à quelques douzaines d’huîtres que passer le Nouvel An avec une gastro”, rappelle avec humour un médecin du centre hospitalier de Sète.
Les producteurs, eux, redoutent un effet durable sur la confiance des clients. “Chaque fermeture laisse des traces. Il faut du temps pour regagner la crédibilité, même quand tout redevient sain”, soupire un responsable de la coopérative conchylicole de Mèze. Selon les estimations de la chambre d’agriculture, les pertes pourraient dépasser plusieurs millions d’euros si la suspension se prolonge au-delà de la première semaine de janvier.
La lagune, miroir fragile de la Méditerranée, rappelle une fois encore la vulnérabilité des écosystèmes côtiers face aux aléas climatiques et sanitaires. En attendant la levée de l’interdiction, les tables de fête devront se passer des saveurs iodées de Thau. Une absence qui, pour beaucoup, a un goût amer — celui des lendemains d’orage sur la côte languedocienne.