L’affaire qui « fait honte à la Tunisie » : l'inculpation d'une jeune femme violée par des policiers pour « atteinte à la pudeur »
Par N.TPublié le
Une jeune femme âgée de 27 ans surprise par des policiers avec son compagnon dans un lieu public a été violée par ces derniers. L’intéressée comparaît devant le juge d’instruction pour « atteinte à la pudeur ». L’affaire suscite l’indignation de la société civile qui se mobilise et dénonce une grave atteinte aux droits des femmes et aux libertés individuelles.
L’interrogatoire devant le juge d’instruction mardi 2 octobre a duré plus de deux heures et le délit reproché au couple est passible de 6 mois de prison. Les avocats espèrent toutefois que les poursuites soient abandonnées.
"Ce serait déraisonnable de maintenir un telle accusation. J'ai confiance en l'équité de la justice", a indiqué Me Emna Zahrouni, citée par l'AFP
"J'ai dit au juge qu'il avait une responsabilité historique. Le monde entier, les médias, les jeunes de Tunisie attendent sa décision qui sera décisive pour l'instauration de l'Etat de droit", a déclaré de son côté Me Monia Bousselmi.
Selon une source au tribunal, le juge d'instruction doit décider dans les heures ou les jours à venir de "classer l'affaire ou la transférer devant le tribunal compétent", rapporte AP.
La jeune femme de 27 ans, violée par des policiers début septembre, est repartie du tribunal de première instance de Tunis, le visage caché par un foulard et des lunettes de soleil, sans s'exprimer, selon la même source.
"Un victime qui porte une cause…"
L’accusation s’appuie sur les témoignages des policiers violeurs, qui disent avoir surpris le couple dans une « position immorale ».
La présidente de l'Association tunisienne des femmes démocrates, Ahlem Belhadj, qui représente aussi les intérêts de la victime, a indiqué que cette dernière était dans un état psychologique "très fragile", mais restait décidée à se battre.
"C'est une femme, une victime qui porte une cause", a-t-elle dit.
"C'est une affaire qui fait honte à la Tunisie. Dans notre culture, même au niveau de la loi, on a tendance à rendre les victimes responsables de leur viol", a-t-elle ajouté.
Les policiers, incarcérés début septembre, risquent de lourdes sanctions, le viol avec violence étant théoriquement passible de la peine capitale en Tunisie où aucune exécution n'a cependant eu lieu depuis plus de vingt ans.
L’affaire a suscité colère et indignation dans la société civile. Plusieurs centaine de personnes ont manifesté devant le tribunal mardi, brandissant des pancartes proclamant "Révolution volée, femme voilée, petite fille violée" ou encore "Violée ou voilée, faut il choisir?".
Ces faits se déroulent dans un contexte de harcèlement croissant des femmes par la police et les fondamentalistes, le tout sous le regard plutôt complaisant des autorités sous contrôle du parti islamiste Ennahda. Le président de la République tunisienne qui s’exprime beaucoup en faveur des droits de l’Homme et de la protection des libertés ne semble pas en mesure de freiner ce recul de la Tunisie.