Présentation de la sélection des artistes français, Espaceculture_Marseille

Une vitrine de la jeune création en Méditerranée

Devenue une tradition après plus de 25 années d’existence, la biennale des Jeunes Créateurs de l'Europe et de la Méditerranée, ou BJCEM, investira pour sa quinzième édition, en 2011, deux villes d’Europe : d’abord Thessalonique (Grèce), du 6 octobre au 7 novembre prochain, pour les expositions consacrées aux arts appliqués et arts visuels ainsi qu’à la gastronomie puis du 16 au 18 décembre la ville-musée de Rome pour les concerts, lectures et projections cinéma.

Reste que cet événement demeure très confidentiel auprès du grand public et semble insuffisamment médiatisé, alors même qu’il est un véritable état des lieux de la jeune création méditerranéenne, qu’il a fait ses preuves, notamment en France, de sa capacité à identifier les talents en devenir (puisque nombre des artistes des sélections passées sont aujourd’hui confirmés dans leurs disciplines) et qu’il s’appuie sur un maillage de structures constitué de têtes de réseau dans leurs territoires respectifs. Pour exemple, Espaceculture, haut lieu de la culture marseillaise, est en charge du suivi de la Biennale pour Marseille et la Région Provence Alpes Côte d’Azur.

Pourtant, l’enjeu est de taille : il s’agit de réunir tous les deux ans dans une grande manifestation artistique pluridisciplinaire des artistes de moins de 30 ans venant de nombreuses délégations du bassin méditerranéen. C’est donc un véritable enjeu de dépassement des frontières politiques et géographiques de la région euro-méditerranéenne qui est au centre de cet événement singulier. En s'appuyant sur la créativité émergente de la Méditerranée et les forces vives des professionnels de la culture dans les pays, la Biennale créée les conditions de la rencontre et du dialogue interculturel.

Sélectionnés dans de nombreuses disciplines artistiques, les jeunes créateurs présentent leurs travaux, confrontent leurs oeuvres et leurs expériences, construisent des réseaux avec leurs pairs et s’intègrent dans les circuits professionnels et médiatiques.

Devant un tel enjeu, la Biennale évolue cette année

Bernard Jacquier, Président d’Espaceculture_Marseille, présentait en ces termes, lors de la conférence de presse de présentation de la sélection française 2011, le 27 septembre 2011, les mutations en cours : « 2011 sera une première étape dans les changements. Au rang des nouveautés, trois modifications de forme et une de fond:
- un format différent qui implique plusieurs territoires au lieu d’un lieu unique jusque là.
- un nouvel équilibre entre les territoires qui se traduit par une meilleure représentation des artistes des rives sud et ouest de la Méditerranée. A l’heure des révolutions arabes, on ne peut que s’en réjouir.
- un nombre d’oeuvres moins important. L’ambition est de renforcer la qualité artistique des propositions et favoriser la rencontre entre les artistes.

Ces changements très concrets s’accompagnent d’une réflexion de fond sur les objectifs et les ambitions de notre projet. Il en ressort que notre rôle est davantage de proposer aux jeunes artistes un accompagnement, des opportunités de formation, de rencontre et de confrontation. Dans ce sens, les occasions de travail (workshops et résidences) sont multipliées avant, pendant et après les moments de biennale. Citons en 2011 par exemple la ville de Casablanca qui a organisé un des 7 workshops proposés ».

Il va de soi que ces redéfinitions sont en partie dues à des principes de réalité au rang desquels l’éclatement budgétaire sous-tendu par le fait qu’une ville unique ne peut plus supporter le coût de l’organisation d’une biennale (de 2,5 millions d’euros minimum) ou encore l’abandon du projet d’accueil de la biennale en 2013 à Marseille faute de refus du projet dans le cadre de la Capitale Européenne de la Culture. Ainsi en 2013, trois villes se préparent à accueillir la biennale : Rijeka (Croatie), Llubjana (Slovénie) et Ancône (Italie).
Mais revenons à 2011.

La Biennale en 2011 se sera quelques 400 à 500 artistes provenant des 25 pays membres de l'association internationale pour la BJCEM et des 8 pays partenaires (1) qui participeront aux différentes activités de cette année dont 274 productions présentées à Thessalonique-Rome.

La France présentera à la Biennale 16 productions de 28 artistes sélectionnés parmi les 300 dossiers reçus. Le « retour de Biennale », comme l’appellent les organisateurs, c'est-à-dire la présentation au public français sous forme d’expositions, lectures, concerts etc. sera à l’agenda culturel de l’automne 2012 à Marseille, Montpellier ou encore Toulon.

annonces emploi en france
Photo : Chrislain Mirat

Pour terminer ce tour d’horizon autour de la BJCEM, rencontre avec une des « jeunes pousses » de cette représentation française 2011 : Leïla Anis, sélectionnée dans la catégorie littérature. La jeune femme partage ses attentes, l’accompagnement tel qu’elle l’expérimente déjà et ses projets artistiques, d’une voix douce et avec des mots précis, qui révèlent la réflexion qui fonde son travail.

« Je suis résidente à Marseille depuis février 2011 et j’ai simplement découvert la biennale par leur campagne d’affichage, leur slogan accrocheur et c’est la dimension euro-méditerranéenne de cette manifestation qui a retenu mon attention. Le sujet que j’aborde dans mon travail est totalement inscrit dans cette question du rapport Nord-Sud : celle de l’exil du Sud vers le Nord, puisque j’ai moi-même immigré d’un pays du Sud, Djibouti vers un pays du Nord, la France. Ma nouvelle, « Fille de… », pose la question de l’exil à l’adolescence et en particulier de l’exil au féminin et de celles des archétypes de genre ici comme là-bas, de l’identité nourrie du métissage. En somme fille de… cet entre deux-terres, de cet « entre-rien » comme je le dis dans la nouvelle.

Le sociologue Abdelmalek Sayad avec sa proposition autour de la double absence m’apprend beaucoup sur des sensations très intimes que j’ai et qui trouvent un sens dans cette analyse qu’il fait. Cela me permet de replacer mon vécu singulier dans l’histoire de la femme, celle de l’immigration, des dynamiques sociales et politiques, pour sortir du vertige du vécu. » raconte avec passion celle qui a écrit sa nouvelle presque sous forme de chronique documentaire, portée par des images.

S’inscrire dans cette expérience c’est « espérer partager avec d’autres jeunes artistes cette expérience d’être à la fois jeunes adultes et en devenir dans sa discipline et faire confiance au réseau de professionnels pour me faciliter des occasions de rencontre par exemple avec les circuits liés à l’écriture de théâtre et la production de spectacles. D’ores et déjà des mises en relation avec les membres du jury professionnel ont été possibles. ».

Leïla Anis explique avec entrain ses projets en cours : la lecture le 20 octobre prochain de la seconde étape de travail sur sa nouvelle, mise en jeu par Géraldine Bénichou, metteur en scène lyonnaise, au Nouveau Théâtre du Huitième à Lyon dans le cadre de la Quinzaine de l'égalité femmes/hommes en région Rhône-Alpes et sa collaboration avec Karim Hammiche autour de l’écriture d’un texte sur la filiation paternelle et l’exil « Fils de / Fille de ».

Le potentiel créatif de cette artiste est communicatif, émouvant et il laisse entrevoir la chance pour l’Europe et la Méditerranée de cette mise en réseau de jeunes artistes qui participeront, on l’espère, à la dimension rhizomique de ce territoire.

En savoir plus :
www.espaceculture.net
http://bjcem.net/biennale2011/representation_francaise.html

(1)Pays Membres : Albanie | Algérie | Bosnie Herzégovine | Croatie | Chypre | Egypte | Espagne | Finlande | France | Grèce | Italie | Jordanie| Liban | Kosovo | Macédoine | Malte | Montenegro | Nation Rom | Maroc | Palestine | Portugal | San Marin | Serbie |Slovénie | Turquie |
Pays Partenaires : Autriche | Estonie | Irlande | Israël | Royaume Uni | Russie | Syrie | Tunisie |