Le printemps arabe reviendra-t-il?
Par N.TPublié le
En Egypte, les islamistes,"modérés" et rigoristes compris, raflent la mise aux législatives, cumulant 65,25% des voix à la première phase du scrutin qui concernait un tiers des gouvernorats, dont Le Caire et Alexandrie. Un probable raz-de-marée "vert" ne fait désormais plus aucun doute dans ce pays.
Terrible désenchantement que celui des démocrates, toutes tendances confondues, des citoyens opposés à l'enferment de la vie sociale dans le champ religieux: les révolutions arabes qui ont éjecté des despotes, mis à bas des régimes totalitaires enfantent le risque de nouvelles menaces sur les espaces de liberté et de tolérance.
Il n'est pas d'illusions à se faire en effet, un vent mauvais se lève déjà, porteurs de discours haineux, de pratiques d'exclusion, de confrontations et de divisions.
En Tunisie, les islamistes libéraux et rageusement anti-laïques donnent le ton et annoncent la couleur. Ils exigent la ségrégation des sexes à l'université durant les cours et le port obligatoire du "niqab". Sans surprise, ils s'attaquent aussi aux chômeurs de la région minière de Gafsa, jadis durement réprimés par les milices de Ben Ali, venus crier "l'urgence sociale" aux oreilles des parlementaires fraîchement élus. L'état major islamiste actionne sans aucun doute la "rue" qui lui est acquise, tout en faisant mine d'appeller "au calme", et non sans multipliier par ailleurs les tours de passe-passe pour concentrer tous les pouvoirs.
En Egypte, les Frères musulmans talonnés par les Salafistes (*) sont évidement contraints à des concessions en faveur de ces derniers. Une fois passée la bataille électorale pour se positionner sur l'échiquier du pouvoir, les deux mouvements iront de concert dans la même direction, vers l'oppression des comportements, de l'expression et de la pensée jugés non "conformes" à l'Islam. Les attaques verbales en direction de l'écrivain Naguib Mahfoud, prix Nobel de littérature, sont les premiers signes de ce déchaînement prévisible, tout autant que les sempiternelles diatribes contre la mixité dans les lieux publics.
Dans le camp des démocrates et des laïques, la période "post-révolutionnaire" arabe peut ainsi avoir le goût amer de la désillusion et laisser planer de lourdes menaces. Le fait est seulement que si pouvoir il y a des islamistes, il provient des urnes, de consultations démocratiques avec des participations plus que respectables.
S'attarder sur les explications d'un tel vote revient à enfoncer des portes ouvertes, tant est il est évidemment l'expression d'un grand désarroi "populaire", d'une perte totale de confiance et de la quête d'un refuge.
Les islamistes ont su parler au peuple, aux petites gens, aux laissés-pour-compte. Les régimes respectifs de Moubarak et de Ben Ali ont suffisamment creusé le lit de la misère pour permettre aujourd'hui aux "barbus" de faire le plein des voix sans trop de peine.
Mais en Egypte, en Tunisie comme au Maroc, les islamistes ont aussi gagné les élections parce qu'ils étaient unis, rassemblés de façon homogène. Là est la force de frappe qui devrait donner désormais à réfléchir dans le camp des démocrates. L'unité des forces de progrès devient incontestablement le seul et unique mot d'ordre valable.
Les formations politiques qui ont porté la contestation populaire aujourd'hui habilement confisquées se doivent de construire en urgence des ponts entre elles et avec les couches sociables sensibles aux sirènes démagogiques. Dresser des remparts pour contenir la déferlante de l'obscurantisme, tel est le nouveau défi des démocrates. Le printemps arabe reviendra-t-il?
(*) Qui prônent un retour à l'islam des origines, fondé sur le Coran et la Sunna