L’Europe est confrontée à un défi humanitaire historique
Par N.TPublié le
Les faits étaient encore à peine imaginables il y a quelques semaines, quand le silence des opinions européennes laissait place aux seules sirènes alarmistes de l’Europe, aux seuls discours haineux sur le thème des étrangers envahisseurs, quand bien même ils périssaient au quotidien par centaines dans les eaux de la Méditerranée, quand bien même des familles entières erraient sur des chemins, franchissant des haies de barbelés au péril le plus souvent de leur vie.
Le sort tragique des migrants faisait jusque-là l’actualité des faits divers de grande ampleur, interpellait de temps à autre les états-majors bruxellois, suscitait quelques conclaves pour apporter une assistance aux pays en première ligne, l’Italie et la Grèce notamment, et déployer plus de moyens pour faire la chasse aux passeurs.
Mais voilà que l’horreur porte désormais le nom d’un petit enfant noyé, dont l’image taraude les consciences et anime enfin la conscience d’une Europe humaine et solidaire. Le regard inattendu du reste du monde sur cet événement épouvantable a marqué un tournant. Aylan Kurdi cristallise la souffrance de tous les enfants – qu’ils soient syriens, érythréens, libyens, irakiens… –, la peine et le désespoir de ces milliers de familles piégées par la guerre. Leur aspiration au droit d’asile est légitime. Et elle trouve enfin une réponse à travers un vaste mouvement de solidarité dans nombre de pays européens. Ce tournant place les politiques face à leurs responsabilités. Il contraint l’UE à amorcer une rupture avec son obsession sécuritaire.
L’Allemagne a ainsi ouvert grandes ses frontières aux réfugiés. Plus de 20 000 d’entre eux ont rejoint Munich au cours du dernier week-end en provenance d’Autriche. Le pays, qui se prépare à accueillir cette année 800 000 demandeurs d’asile, a annoncé lundi qu’il débloquera 6 milliards d’euros pour y faire face.
« C’est le devoir de la France, où le droit d’asile fait partie intégrante de son âme, de sa chair »
Environ 7 000 réfugiés étaient accueillis en Autriche le 5 septembre, acheminés par bus en provenance de Budapest (Hongrie) où ils avaient été attaqués par des hooligans néonazis à la suite de l’appel du parti d’extrême droite Jobbik. « On ne va pas laisser tomber ces gens », a déclaré le chancelier autrichien, le social-démocrate Werner Faymann. « Chaque réfugié peut, évidemment, demander l’asile en Autriche et en est informé », a rappelé la ministre autrichienne de l’intérieur, Johanna Mikl-Leitner, citée par l’AFP.
En France, où un rassemblement a réuni, le 5 septembre, près de 8 000 personnes à Paris venues exprimer leur indignation, les associations commencent à se mobiliser. Une dizaine de maires se disent prêts à recevoir des migrants sur le territoire. François Hollande a affirmé, lundi, que la France est prête à accueillir 24 000 réfugiés sur les deux prochaines années. « C’est le devoir de la France, où le droit d’asile fait partie intégrante de son âme, de sa chair », a-t-il déclaré lors de sa conférence de presse annuelle, rappelant les « générations d’exilés ou de réfugiés qui sont venus au cours des décennies ».
En Grèce, enfin, près de 17 000 réfugiés se trouvent sur l’île de Lesbos, soit le cinquième de la population totale. Les autorités tentent d’organiser leur transfert en urgence vers Athènes. L’Europe se trouve confrontée à un défi humanitaire historique.