PIB DE 400 milliards de dollars en 2027, est-ce possible ? (Chronique)
Par Ahmed H. YACINEPublié le
Le premier magistrat de pays, en l’occurrence le Président Abdelmadjid TEBBOUNE a fixé pour objectif de faire atteindre à l’Algérie un produit intérieur brut (PIB) de 400 milliards de dollars américains en 2027.
Est-il possible d’atteindre ce niveau, en le doublant quasiment par rapport à 2023 ?
Cette volonté politique est déjà en soi louable, courageuse, en ce sens que c’est à la fois un pari et un défi qui s’imposent à toute la collectivité nationale, à toutes les institutions et surtout à l’ensemble des agents économiques.
L’intégration des échanges économiques qui échappent, dans le cadre du marché informel, à la transparence et au marché formel est sans nul doute un élément important. D’aucuns vont jusqu’à l’évaluer autour de 100 milliards de dollars.
Il faut bien reconnaître que si l’on venait à faire inscrire seulement la moitié de ce montant dans les transactions du marché formel et bancaire, ce serait déjà un exploit.
Mais cet objectif est réaliste pour peu que la numérisation de l’activité et des échanges, vaste programme en cours de mise en œuvre, venait à se traduire dans les faits.
N’oublions pas, par exemple, que l’objectif d’exportation hors hydrocarbures de 2 milliards de dollars paraissait utopique.
Pourtant, l’Algérie a atteint plus de 7 milliards de dollars hors hydrocarbures en seulement levant tout particulièrement les contraintes administratives et bureaucratiques à l’exportation, qui constituaient de véritables et insurmontables obstacles à la vente de produits algériens sur les marchés internationaux, faisant de l’acte d’exportation le parcours laborieux du combattant, un chemin de croix.
La dévaluation progressive du dinar, et donc une diminution de la valeur et de la parité du dinar par rapport aux devises étrangères, avait octroyé aux produits algériens une compétitivité accrue et de meilleures opportunités de pénétration et de conquête des marchés étrangers.
Les retombées de la dépréciation de la monnaie nationale sur le pouvoir d’achat des ménages avaient évidemment des effets pervers sur la consommation et la demande nationale des consommateurs.
Le renforcement déjà amorcé de l’amélioration du pouvoir d’achat, grâce aux mesures prises en matière d’amélioration des salaires et des pensions de retraite compensait quelque peu cette tendance d’affaiblissement des revenus réels des ménages.
Il est clair qu’une propension au recours à cette augmentation des rémunérations, sans contrepartie dans la sphère de production des biens et des services, aura une incidence sur l’inflation réduisant conséquemment le pouvoir d’achat des ménages.
Donc, le levier principal sur lequel il faudrait agir est de promouvoir de façon significative et durable les niveaux de la production dans l’ensemble des filières, et en mettant au travail l’ensemble des ressources disponibles sur le marché du travail, en exploitant tous les atouts dont dispose le pays dans tous les domaines, sans pour autant négliger les sources traditionnelles liées aux hydrocarbures.
L’Algérie fait partie, dans le continent africain, des pays comportant le plus d’infrastructures universitaires et d’enseignement.
Les ressources humaines sont en vérité la richesse fondamentale d’un pays et à ce titre doivent bénéficier du soutien actif, permanent, soutenu, dépolitisé et libéré des influences idéologiques et religieuses de telle façon à créer de la créativité, de l’innovation, des forces d’intelligence et d’inventivité.
Sans une force de travail compétente et libérée des entraves idéologiques et démagogiques, sans des ressources humaines considérées non pas comme un facteur de production mais plutôt comme une richesse à la base de la création des autres richesses, on ne pourra jamais prétendre mettre en place les conditions d’émanation d’une société, harmonieuse, prospère, moderne, compétitive, juste, équilibrée et développée culturellement, économiquement, politiquement.
Les pluralismes, condition première de l’avènement de la démocratie, découleront eux-mêmes de cet esprit de tolérance, de cet esprit critique, du libre arbitre dans les choix du devenir de tout un chacun. La démocratie, l’indépendance de la justice, la liberté d’expression, la liberté de la presse, le respect des libertés individuelles et collectives sont une conséquence directe de l’école et du système d’éducation et d’enseignement.
À ce titre, L’État de droit est la résultante d’une performance de l’école. Et bien entendu, l’obscurantisme doit quitter définitivement et durablement l’école qui cessera d’être l’otage d’une religion et qui défendra la liberté de conscience, de telle sorte que les élèves ne seront plus embrigadés, et ne seront plus des automates sans âme.
L’harmonie dans les familles est-elle même intimement reliée à ces lieux d’expression t de valorisation de l’être, du savoir être, et du bien-être, ainsi que donc du savoir vivre ensemble.
Il faut bien être conscients que les investissements hardware et softwares consentis dans le système éducatif et universitaire ne produisent pas d’effets immédiats, et qu’une approche sociétale globale est nécessaire pour soutenir cette vision systémique.
L’avantage pour l’Algérie est cette antériorité et cette permanence dans la mise en place d’un système d’enseignement, nonobstant les tares et les dérives qui l’avaient caractérisé et qui avaient réduit les influences positives similaires qu’il avait engendré dans la vie sociale, dans les rapports entre les groupes sociaux qui composent la société.
Mais il convient d’être sereinement réaliste et reconnaître que ce qui reste à faire est gigantesque pour élever vraiment le niveau d’efficience du système éducatif, pour le purger d’abord du contenu idéologique, pour l’enrichir de programmes plus ouverts à la modernité, pour élever le niveau de la qualité de l’enseignement.
Il est une autre richesse dont dispose l’Algérie et qu’il y’a lieu de mobiliser. Il s’agit de la femme algérienne qui représente la moitié de la population. La femme algérienne avait été et a toujours été de tous les combats.
Mais sa place dans la société ne représente pas son poids que ce soit dans l’économie, dans la société. Cette richesse est gaspillée d’abord parce qu’elle n’est pas considérée comme une entité pleine et entière. Le code de la famille qui rappelle étrangement le code de l’indigénat de la période coloniale française est une infamie.
Le statut de la femme algérienne renvoie aux périodes d’une autre époque. Libérer la femme algérienne de ce code en faisant en sorte que la femme devienne l’égale de l’homme en toutes circonstances devant le mariage, devant l’héritage, devant le travail constitue l’élément majeur insufflant à cette richesse la motivation et les conditions de son épanouissement et de sa contribution accrue à la construction du pays et donc à l’augmentation du produit intérieur brut.
Par ailleurs, on ne peut pas s’intéresser aux ressources humaines sans s’interroger sur la manière dont elles sont présentement gérées.
Les dépenses improductives déployées en termes d’affectation de ces ressources sont exorbitantes du fait notamment des sureffectifs absolument excédentaires dans la fonction publique devenue l’issue de résorption du chômage, y compris dans les filières de la sécurité, à savoir la police et la gendarmerie, dans lesquelles les surplus tiennent plus à un souci de préservation du système et du régime et l’entretien d’un appareil de répression que du maintien de l’ordre républicain.
Les recrutements massifs opérés sous l’ère boutefliquienne sont herbivores d’un budget qui peut servir à financer la sphère de la production réelle tout en réaffectant les surplus d’effectifs dans les filières créatrices de richesses.
La communauté algérienne de l’étranger doit faire l’objet d’une attention tout à fait particulière et singulière.
La diaspora peut faciliter le développement du pays. Elle pourra être un pourvoyeur d’investisseurs, de transfert technologique et de savoir-faire. Elle peut permettre d’exercer des influences politiques et géostratégiques. Elle peut être des sources de devises et de financement des investissements. Elle peut être un vecteur positif de la culture algérienne pour transmettre des messages culturels, soutenir des actions exportatrices. Elle constitue à la fois un enjeu et un levier pour une consolidation des liens avec le monde extérieur pour le bien-être général.
Cependant, la diplomatie algérienne devra accompagner non seulement le pays sur le plan multidimensionnel mais aussi être au service économiquement des entreprises nationales exportatrices mais aussi de la diaspora économique algérienne.
À ces conditions, les pays étrangers ne seront pas des terres d’accueil pour l’opposition mais des lieux d’accueil des produits algériens et des lieux d’implantation des investissements algériens et donc des sources de devises et de contribution à l’amélioration du niveau du PIB.
Ces préalables étant définis, il faudrait faire de l’entreprise qui est le lieu par excellence de création de la richesse l’enjeu principal de fabrication de l’offre tant pour le marché local que pour les marchés extérieurs.
Les atouts susceptibles d’être exploités par ces gisements de ressources humaines, par le travail et le génie de l’intelligence, sont multiples et peuvent être succinctement résumés comme suit :
-la santé
- l’agriculture
- le tourisme
-les ressources minières (terres rares, fer, pétrole, gaz, phosphate, plomb, or, zinc…)
-l’énergie solaire
- l’hydrogène
- les industries de base et les industries de transformation tant industrielles qu’agricoles.
-l’aquaculture
- et bien d’autres branches d’activité
Ce qu’il faut bien comprendre, c’est le fait que ce sont des Algériennes et des Algériens, seuls et aussi en relation avec des entreprises étrangères, qui bénéficiant d’un état de droit et d’un climat favorable et incitatif d’affaires pourront permettre la réalisation de cet objectif audacieux mais réalisable d’un PIB de 400 milliards de dollars à l’horizon 2027.
Et cet objectif ne serait pas qu’une promesse électoraliste.
Pour se résumer brièvement, pour atteindre cet objectif, il faudrait :
- mettre fin au marché informel ou pour le moins le réduire drastiquement grâce à un système financier et monétaire plus efficient
- mobiliser l’intégralité des ressources humaines qui sont la meilleure richesse du pays et à la base de toute approche globale de progrès et de développement, et qui ne peut l’être en l’absence d’un État de droit et d’une véritable démocratie.
Dès lors, les conditions seront réunies pour embrasser toutes les filières et les branches d’activité selon une démarche systémique.
L’instauration d’un État de droit et de la démocratie relève d’un processus qui n’obéit pas à une création instantanée. De ce fait, n’étant pas le fruit d’une génération spontanée, l’État de droit s’inscrit dans une permanence et une constance dans les efforts soutenus tant des autorités, de la société civile que de la classe politique.
Cette construction ne doit pas faiblir et se poursuivre à travers les générations et au niveau de tous les rouages de l’État et de toutes les catégories sociales comme au niveau des contre-pouvoirs. La séparation des pouvoirs (législatif, judiciaire, exécutif, presse) est la garantie de mise en œuvre continue de cette perspective.
Les adversités externes et extérieures seront elles même mieux combattues avec l’implication en un front uni de l’ensemble des composantes de la nation.