Israël : les migrants africains traîtés en parias
Par N.TPublié le
Comment Israël, riche et réputé démocratique, traite-t-il les réfugiés qui osent franchir sa frontière ? Venus essentiellement d’Érythrée et du Soudan du Sud, où les violations des droits de l’homme et les emprisonnements sans jugement, voire les éxécutions, se substituent à la loi, où la famine le dispute à la crise humanitaire, ils rencontrent surtout la haine, à peine tempérée par l’indignation de quelques associations.
Ils portent l’étiquette « d’infiltrés » et ne sont pas les bienvenus en terre d’Israël. Les dizaines de milliers d’Africains qui arrivent du Soudan, d’Éthiopie, d’Érythrée, ont tout intérêt à se faire discrets, à raser les murs en restant dévoués à leur patron quand ils ont la chance de trouver un job. « Nous sommes parvenus à mettre un terme à l’entrée des infiltrés d’Afrique en Israël, quand nous étions sous la menace de l’arrivée de centaines de milliers d’entre eux », se réjouissait, en 2012, le premier ministre, Benyamin Netanyahou, annonçant « l’achèvement de la clôture avec le Sinaï (longue de 227 km – NDLR)». Et maintenant, « nous passons à la seconde phase, celle du renvoi des infiltrés qui sont déjà ici », promettait-il.
Le ton était donné dans le camp de la coalition droite-extrême droite, où des hommes politiques se livraient déjà à des déclarations incendiaires. « Les Soudanais sont un cancer dans notre corps! » avait éructé la députée du Likoud (droite) Miri Regev, avant de dénoncer une déformation de ses propos.« Ici, ce n’est ni l’Érythrée, ni le Soudan, c’est chez nous, c’est notre pays! » vociférait Yariv Levin, autre député du Likoud, lors d’un meeting public filmé par les journalistes Max Blumenthal et David Sheen. « La chose la plus importante, c’est de chasser les infiltrés et de protéger Israël en tant qu’État juif! » criait, à son tour, Danny Danon, vice-ministre de la Défense. « Nous al lons devenir un pays d’immigrés. Il y a ceux qui veulent faire d’Israël un État du monde entier, amener un million d’Africains, un demi-million de Philippins et c’en sera fini de l’État d’Israël! », mettait en garde Michael Ben-Ari, fondateur du parti ultranationaliste Otzma LeYisrael (Force à Israël).
Refoulés en masse
Des propos au vitriol, du grain à moudre pour les groupuscules racistes et xénophobes qui investissent de temps à autre la rue, narguant et menaçant les réfugiés africains jusque dans leurs quartiers, jusqu’au seuil des domiciles de ceux qui ont échappé à la détention dans des centres désormais célèbres, celui de Holot, à ciel ouvert dans le désert du Néguev, ou la prison de Saharonim. Plus de 2 200 demandeurs d’asile érythréens et soudanais ont été détenus en 2013 dans le premier.
Bien que signataire de la Convention de Genève, Israël n’accorde pas en réalité de statut de réfugiés aux Africains qui arrivent sur son territoire. « Le pays n’a pas transcrit dans son droit de procédures d’asile spécifiques », explique le chercheur Kamel Doraï (Institut français du Proche- Orient). Des barrières sont ainsi dressées pour refouler en masse des milliers d’êtres dans la détresse ou en quête de protection internationale, comme des pestiférés. Le gouvernement israélien n’agit pas pour autant sans rencontrer d’opposition. « Les organisations de défense des droits de l’homme, ainsi que les organisations professionnelles mènent un combat sans relâche contre cette politique, tant au plan judiciaire qu’auprès de la société civile », affirme Efraïm Davidi, membre du bureau politique du Parti communiste israélien. Des luttes qui paient ... En septembre 2014, la Haute Cour de justice a fait annuler une disposition permettant la détention automatique durant un an de tout demandeur d’asile nouvellement arrivé. Une mesure abominable.