Gaza : enfin le silence des armes après des mois d’une guerre épouvantable
Ce vendredi 10 octobre, le silence des bombes a remplacé le rugissement des avions semeurs de mort. Un calme relatif, inespéré, que les survivants palestiniens savourent avec une gravité mêlée d’un immense soulagement. Les images de ces familles marchant vers le nord, le long de la route côtière al-Rachid, sont un cri muet adressé au monde. Leurs regards trahissent l’épuisement et une détermination farouche à retrouver ce qui fut leur foyer. Ces images de retour sur des champs de ruines, où des vies entières gisent sous les décombres, sont saisissantes. Le monde ne doit pas, ne peut pas, les oublier.
Pourtant, derrière cette annonce d’un retrait israélien se cache une réalité plus sombre et profondément inéquitable. L’armée israélienne a certes commencé à se redéployer, mais, comme l’a cyniquement précisé la porte-parole du gouvernement, elle conserve la mainmise sur 53 % du territoire gazoui. Ce « retrait » partiel s’accompagne d’un avertissement : les zones évacuées resteraient « extrêmement dangereuses ». Une manière de maintenir un contrôle par la peur et de légitimer une future reprise des hostilités, transformant un cessez-le-feu en simple pause tactique.
Un traitement médiatique à deux vitesses
Ce déséquilibre fondamental se reflète avec une clarté aveuglante dans le traitement médiatique. Alors que la libération des otages détenus par le Hamas est, à juste titre, abondamment commentée, la libération prévue de 2000 détenus palestiniens dans le cadre du plan Trump est passée sous un silence quasi total dans les médias français. Ce traitement à deux vitesses est révélateur d’une hiérarchie des vies et des souffrances. La détresse des uns est un fait d’actualité ; la liberté des autres, un détail négligeable. De la même manière, l’insistance des mêmes médias sur le désarmement futur du Hamas contraste avec l’absence de débat sur l’obligation symétrique et tout aussi cruciale d’un retrait total et définitif de l’armée israélienne. La paix ne saurait être un processus unilatéral qui exige tout d’un peuple assiégé et presque rien de la puissance occupante.
L’Histoire, elle, retiendra les responsabilités dans ce cycle de violence. Elle retiendra que Donald Trump a laissé des centaines de Palestiniens mourir sous les bombes avant de daigner, enfin, exercer une pression sur son allié Benyamin Netanyahou pour stopper le massacre. Son intervention tardive n’efface pas les jours d’inaction complice qui ont conduit à une tragédie humanitaire.
La complicité honteuse des gouvernements européens
L’Histoire retiendra également, et c’est une tache indélébile, la complicité honteuse des gouvernements européens. Pendant qu’Israël s’engageait sur la voie du génocide, et que ses ministres d’extrême droite affichaient leurs intentions sans complexe, l’Europe a préféré le silence au courage. Le président français, Emmanuel Macron, a beau jeu aujourd’hui de multiplier les déclarations sur la suite d’un accord de paix auquel il n’a nullement contribué. Son verbe, soudainement prolixe, ne peut masquer l’absence d’action décisive lorsque les civils palestiniens étaient quotidiennement ensevelis sous les décombres.
Passée cette première étape, la prudence reste plus que jamais de mise. Israël a démontré sa capacité à revenir sur ses engagements à tout moment. Benyamin Netanyahou, empêtré dans ses affaires judiciaires et menacé politiquement, est un partenaire imprévisible. Pour sauver sa peau, il pourrait à tout moment céder aux exigences les plus belliqueuses des ministres d’extrême droite à qui il doit son poste à la tête d’une coalition fragile. La paix ne doit pas être l’otage des calculs politicien d’un homme aux abois.
Le cessez-le-feu de ce 10 octobre n’est donc pas une victoire, mais une trêve arrachée de justesse. C’est un répit offert dans la douleur, une opportunité pour panser des blessures profondes dans une terre meurtrie. Mais c’est une paix tronquée, inachevée et profondément injuste. La communauté internationale, si prompte à se réjouir d’un calme précaire, doit maintenant avoir le courage d’exiger une justice durable, et non de se contenter d’un retour à l’ordre anormal d’une occupation colonial et d’un blocus étouffant. Le peuple palestinien mérite plus qu’un simple intervalle de silence entre deux tempêtes.