EDITO : La reconnaissance de l’État Palestinien, plus que jamais une urgence
Par Nadjib TOUAIBIAPublié le
Emmanuel Macron va-t-il enfin faire honneur à la France sur le terrain diplomatique au Proche-Orient ? Il avait jusque-là gardé le silence au sujet du projet insensé de son homologue américain de racheter Gaza, de la vider de ses habitants et d’en faire « la Côte d’Azur du Moyen-Orient ». Mais voilà qu’il exprime enfin son opposition à cet emballement sidérant, avec des propos pertinents.
Le chef de l’État français souligne à son tour l’absurdité du projet annoncé par le président américain, ainsi que le grave préjudice froidement envisagé pour le sort des habitants de Gaza, déjà victimes par centaines de milliers des bombardements israéliens, et plus largement pour l’ensemble des Palestiniens.
Dans une interview à CNN, mise en ligne dans la soirée du mardi 11 février, Macron appelle son homologue au « respect » des Gazaouis, un terme qui doit sans doute écorcher les oreilles de tous les beaux parleurs des plateaux de TV fascinés par l’agitation de Donald Trump.
« La bonne réponse n'est pas une opération immobilière », a estimé Emmanuel Macron. On ne peut pas dire « à deux millions de personnes (..) ok, maintenant devinez quoi ? Vous allez bouger », a-t-il ajouté. Reconstruire l'enclave palestinienne « ne signifie pas automatiquement que vous devez manquer de respect à la population palestinienne, ainsi qu'à la Jordanie et à l’Égypte ». Deux pays sommés par Trump d’accueillir les survivants de Gaza dans un odieux marchandage de soutien et d’aide.
Jugé « illégal » et « complètement absurde » par la rapporteuse spéciale des Nations-Unies en charge des territoires palestiniens, Francesca Albanese, ce projet réjouit l’extrême droite israélienne et donne des ailes à Benjamin Netanyahu pressé de « terminer la travail », à l’affut du moindre motif pour briser le cessez-le-feu, achever l’extermination des Gazaouis encore debout.
Les mots de Macron sonnent juste, ils redonnent des couleurs à la France, mais sont-ils suffisants ? Rien n’est moins sûr. Encore faut-il que son ministre des Affaires étrangères s’en fasse officiellement l’écho au plan diplomatique, mais pas seulement.
La reconnaissance immédiate de l’État palestinien est incontournable pour donner toute leur force à ces propos, en faire une position en parfaite cohérence avec les valeurs de la République. La France donnerait ainsi le bon signal, à la suite de l’Espagne, aux autres pays européens.
Le président français n’a cessé de reporter cette décision, jugeant que ce n’était pas encore le moment. Va-t-il enfin franchir ce pas devant la menace d’un « nettoyage ethnique », après 47000 morts palestiniens, dont une majorité d’enfants et de femmes ?
Ce qui paraît pour l’instant comme des élucubrations d’un esprit en désordre dans le bureau ovale de la Maison Blanche peut brusquement déboucher sur un nouveau chaos. Le temps presse. L’État palestinien est une urgence.