Jean-Louis Combernous (Adeva) : « En France, 3000 personnes meurent chaque année de l'amiante »
Par nicolas éthèvePublié le
Il a fait le déplacement à Turin pour soutenir les « amis italiens dans leur combat contre l'amiante », avec l'espoir d'assister, ce lundi, à un jugement historique, face aux responsables d'Eternit... Il n'a pas été déçu ! Jean-Louis Combernous, le président de l'Adeva Gard Rhodanien est revenu, comme les 160 autres membres de la délégation française, avec la grande satisfaction d'avoir assisté en direct à une première juridique, en matière d'amiante. Un délibéré « énorme », comme il le qualifie lui-même.
Car, outre le fait que ce procès contre l'amiante et ses utilisateurs étaient le premier instruit au pénal dans le monde, le jugement rendu par le tribunal de Turin fait lui aussi figure d'exception. Le Suisse Stephan Schmidheiny, ancien dirigeant du groupe Eternit, et le Belge Jean-Louis de Cartier, actionnaire minoritaire de la filiale italienne, ont en effet été condamnés pour homicide volontaire par le tribunal de Turin. Et les condamnations sont lourdes : 16 ans de prison ferme et plusieurs dizaines de millions d’euros de dommages auprès des parties civiles, composées notamment des victimes et de leurs associations, mais aussi des collectivités territoriales que sont la ville de Casale-Monferrato et la région du Piémont.
Accusés de la mort de 3 000 personnes et en procès depuis 2009, suite à une enquête engagée en 2007, plus de deux décennies après le début du scandale de l'amiante dans cette région du monde, les deux responsables d'Eternit, respectivement âgés de 65 et 90 ans, ont d'ores et déjà décidé de « faire appel de ce jugement », regrette Jean-Louis Combernous. Même si le tribunal a notamment estimé dans son délibéré que Stephan Schmidheiny et Jean-Louis de Cartier étaient responsables d'« une catastrophe sanitaire et environnementale permanente »...
Jugement de Turin : « un précédent important »
Quelle que soit son issue finale en territoire italien, ce procès pourrait bien créer quelques remous et faire jurisprudence en Europe. Et notamment en France, où les associations de défense des victimes de l'amiante et leurs avocats mettent en exergue le contraste saisissant qui apparaît entre le verdict de Turin et l'état des lieux hexagonal de la procédure en cours face à Eternit France, où la Cour d'Appel de Paris a levé en décembre dernier la mise en examen de plusieurs responsables de l'entreprise.
« Le jugement de Turin crée un précédent très important, souligne Jean-Louis Combernous. C'est la première fois dans le monde qu'une personne est condamnée à une peine aussi lourde pour sa responsabilité, dans le cadre professionnel, de l'utilisation de ce poison qu'est l'amiante. Vous vous rendez-compte ? 16 ans, cela correspond à la peine infligée pour un crime de sang ! Cette condamnation pour homicide volontaire est très importante pour les victimes de l'amiante et leurs familles. En France, 3000 personnes meurent chaque année de l'amiante ».
En France, en Italie, ou ailleurs dans le monde, l'amiante, comme l'ensemble des produits CMR (Cancérigène-mutagène-reprotoxique), cause des milliers de morts au travail... Pour l'Andeva, qui a diffusé hier un communiqué soulignant « l’intégrité et la ténacité du procureur italien Guariniello », le jugement de Turin « salue le courage admirable de la population de Casale Monferrato, ville-martyre de l’amiante, où près d’un quart de siècle après la fermeture d’Eternit on compte encore chaque semaine un nouveau cas de mésothéliome, ce terrible cancer de la plèvre ».