''Qui veut tuer la SNCM ?'', Corsica pose la question !
Par nicolas éthèvePublié le
Au travers d'un grand dossier intitulé ''L'imbroglio SNCM'', la dernière livraison du magazine Corsica pose cette grave question : ''qui veut tuer la SNCM ?''
Alors, qui veut la peau de la SNCM ? Au fil d'un dossier très étayé, à la lumière des derniers événements qui ont frappé la compagnie maritime française, le journaliste Ange Serpaggi répond à cette question et remet au goût du jour la thèse d'un complot anti-SNCM décortiquée depuis de nombreuses années par Alain Verdi, journaliste de France 3 Corse, qui alimente le blog Pericoloso sporgersi.
L'accroche du premier article de ce dossier de Corsica entre immédiatement dans le vif du sujet : « ils sont nombreux ceux qui aimeraient voir la SNCM disparaître ».
Des ennemis identifiés
« À commencer par tous ceux qui en Corse espèrent qu'en livrant l’île aux low cost aériens ou maritimes, elle connaîtrait par le tourisme une prospérité économique sans précédent, poursuit le magazine. Avant de détailler, par le menu, tous ceux qui travaillent dans l'ombre ou pourraient être tentés par une mise à mort de la SNCM : les grincheux de « l'emprise marseillaise sur la continuité territoriale » et des grèves de la CGT qui vont avec ; « ceux qui rêvent d’une compagnie régionale comme d’une affirmation de la souveraineté insulaire » ; « L’État et le gouvernement » qui pourraient, pourquoi pas, décider de « se débarrasser » du « problème » SNCM juste après les municipales, échéance électorale oblige, comme Veolia, qui, « en cours de désendettement », pourrait ainsi « mieux rémunérer ses propres actionnaires »... Sans oublier « les concurrents et partenaires appuyés par de solides lobbies insulaires prêts à se partager les dépouilles, l’enveloppe de continuité territoriale, les actifs, les parts de marché… Et pourquoi pas la Collectivité Territoriale de Corse ? », conclut Corsica, en guise d'introduction, avant de passer à la suite. Un plat principal particulièrement consistant, puisque tout y passe ! D'abord avec le « coup de Jarnac » de la lettre adressée à Antoine Frérot, le PDG de Veolia, par Paul Giacobbi, le président du Conseil exécutif de Corse, pour demander à la SNCM et ses actionnaires (Veolia et l’État) de rembourser à sa collectivité 200 millions d'euros, comme un coup de massue, suite à la sanction prononcée par Bruxelles à l'encontre de la compagnie maritime, à hauteur de 220 millions d'euros.
Champ de bataille
Face à cette attaque frontale, la SNCM a décidé de riposter, de bonne guerre, en demandant le paiement de quelque 80 millions d'euros de créances détenues par ses actionnaires et partenaires, dont 65 millions d'euros auprès de la Collectivité Territoriale de Corse (CTC) et de l'Office des Transports de la Corse (OTC).
Chose qui sera tranchée d'ici le 17 février, date de la fin du plan de conciliation obtenu au sujet de ces créances par la SNCM, qui a d'ores et déjà reçu, suite à l'enclenchement de cette procédure, 17 millions de Veolia, 10 millions de l’État et 10 millions d'euros de la CTC. « Sans aucun libellé » pour cette dernière, souligne à juste titre le magazine Corsica...
Dans son article décidément très fourni, quatre récentes déclarations formulées par Paul Giacobbi se trouvent également reléguées, point par point, au rang de mensonges sous-tendus par des besoins de trésorerie, l'OTC aux finances pour le moins exsangues (comme celles de l'exécutif corse, d'ailleurs), étant « devenu bénéficiaire par la seule suspension des compensations financières bénéficiant à la SNCM dans le cadre du service complémentaire de la DSP », DSP qui vient justement d'être renouvelée pendant 10 ans pour la compagnie maritime française.
Manoeuvres
A coté des manœuvres de Paul Giacobbi, Corsica épingle aussi Corsica Ferries, dont chacun sait que le président de la CTC est proche. Au nom de sa « concurrence opiniâtre » qui, encouragée par les tenants du néolibéralisme à tout crin, en France, comme en Europe, aspire à voir la SNCM liquidée pour s'asseoir, tout sourire, dans le confortable fauteuil d'une position de monopole.
Une « concurrence opiniâtre » qui s'exprime jusque dans le dernier communiqué de presse adressé le 7 novembre par la compagnie maritime italienne, pour annoncer l'ouverture de ses réservations. Avec ces mots cruels, signés de Pierre Mattei, le Directeur général de Corsica Ferries :
« Nous avons correctement résisté (…) en faisant mieux que nos concurrents et en restant largement le 1er transporteur sur la Corse. (…) Certains s’interrogent car ils ont des inquiétudes sur leur capital et leur mode de gestion. Nous, chez Corsica Ferries, nous sommes prêts à renouveler ce nouveau défi et nos efforts dans l’intérêt permanent de nos clients ».
Une nouvelle attaque en règle à laquelle la SNCM a répondu hier, dans son communiqué de presse annonçant l'ouverture de ses réservations ce vendredi 15 novembre. En détournant le slogan de Corsica Ferries (« Le meilleur choix pour la Corse ») ainsi : « Pour qu'il y ait toujours le choix pour la Corse » ; et en rappelant qu'« en 2013, la SNCM a stabilisé à 35% sa part de marché après 10% de gain entre 2011 et 2012 au départ des ports de Marseille, Toulon et Nice vers la Corse », avant de laisser le mot de la fin à Marc Dufour, le Président du directoire de la SNCM qui ne s'est pas privé d'adresser à Pierre Mattei, la réponse du berger à la bergère :
« Nous choisissons d’investir dans une nouvelle flotte et nous développons nos lignes. La ligne Toulon/Porto-Vecchio en particulier est une belle nouveauté que nos clients attendaient. Je suis heureux de leur donner satisfaction. Certains nous prêtent des inquiétudes existentielles. Nous, à la SNCM, nous faisons face, en bons marins, à toutes les mers. Nous allons de l’avant pour et avec nos clients, fiers de servir la Corse. »
Une preuve de plus, après le lancement de son plan de développement symbolisé par le projet du renouvellement de sa flotte, que la SNCM n'est pas du tout décidée à se laisser couler, à la grande satisfaction des 90 entreprises marseillaises qui ont créé un collectif de soutien à la compagnie maritime française, en raison de ses retombées économiques sur le territoire marseillais :
Il faut sauver la SNCM! par LCM
Côté corse, c'est aussi cette analyse des retombées économiques que met en exergue, non sans humour, le magazine Corsica qui conclut son article ainsi, avant d'interviewer, dans la suite de son dossier, Alain Mosconi, le candidat à la direction du syndicat des marins STC, convaincu que « la SNCM est condamnée » : « la SNCM, en Corse, ce sont 652 emplois directs (salariés de la compagnie ayant leur lieu de résidence principale sur l’île) soit 21,5 millions d’euros de masse salariale injectée dans l’économie insulaire et 140 fournisseurs et sous-traitants en Corse pour 22,5 millions d’euros reversés, et cela sur toute l’année. Rien de grave donc ».
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