Costa-Concordia : le capitaine voulait saluer l’ile du Giglio et a conduit le navire à sa perte
Par N.TPublié le
Ce serait semble-t-il une manœuvre relativement courante, effectuée par les bateaux en Méditerranée. « L’inchino », la révérence, consisterait à prendre le risque de s’approcher le plus possible des côtes pour saluer les habitants venus contempler un bouquet géant de lumières et de sons flottant sur les eaux de la Grande Bleue…
Philippe Ridet, correspondant du journal Le Monde à Rome, rapporte qu’au mois d'août le maire de l'ile du Giglio où s'est produit, dans la nuit de vendredi à samedi, le naufrage du Costa-Concordia, avait envoyé une lettre à un des capitaines de la Compagnie Costa Croisière pour le remercier de «ce spectacle unique en son genre, devenu une tradition irremplaçable».
Francesco Schettino, le capitaine du paquebot Costa-Concordia voulait ainsi faire plaisir à un des serveurs originaire de l’ile en s’approchant de celle-ci à une vitesse de 16 nœuds, jugée excessive par les navigateurs. Avertie de la manœuvre, la sœur du serveur aurait même lancé une invitation à ses amis sur Facebook pour venir contempler le spectacle.
Une manoeuvre qui tourne au cauchemar
«Antonello, viens voir, nous sommes tout près de chez toi», aurait dit le commandant en invitant le serveur gratifié sur le pont supérieur.
«Attention, nous sommes extrêmement proches», aurait averti Antonello, penché au bastingage. La manœuvre allait effectivement tourner au cauchemar faisant six morts et une dizaine de disparus. Récit...
A 21 h 42, le navire heurte un récif de granit dont une partie éventre sa coque sur plusieurs dizaines de mètres. L’accident se produit au moment du dîner, les 3 000 passagers entendent un bruit impressionnant, voient les tables valser et sont surpris par une brusque extinction des feux. On les rassure aussitôt, «panne de générateurs, dit-on, la situation est sous contrôle… ».
En réalité, le drame est en train de se jouer et le capitaine, bien conscient de la situation, se prépare à quitter le navire.
Lesté de milliers de mètres cube d'eau, le bâtiment s’est rapidement incliné, devenant ingouvernable. Plutôt que de coordonner les opérations de sauvetage comme le lui impose sa mission, Francesco Schettino a fait le choix de sauver d’abord sa peau. La reproduction de la conversation avec la capitainerie du port est accablante.
«Nous ne pouvons plus monter à bord car le navire est en train de se cabrer côté poupe», dit Francesco à la capitainerie à 0h42.
« Commandant, vous avez abandonné le bateau ? »
«Commandant, vous avez abandonné le bateau ?», l'interroge un officier. «Non, non, évidemment que non !», ment-il, alors qu’il se trouvait sur terre avant minuit, selon des témoins.
«Maintenant, vous allez à la proue, vous remontez par l'échelle de secours en corde et vous coordonnez l'évacuation. Vous devez nous dire combien il y a encore de gens, enfants, femmes, passagers», lui ordonne-t-on de la capitainerie à 1h46, après avoir compris qu’il avait quitté le navire.
«Que faites-vous ? Vous abandonnez les secours ?», insiste-t-on. «Non, non, je suis là, je coordonne les secours !», ment de plus belle le capitaine en fuite.
« Commandant, c'est un ordre, (...) vous devez aller à la proue, remonter à bord et coordonner les secours, il y a déjà des cadavres ». « Combien ? » demande alors le capitaine.
«C'est à vous de me le dire, que faites-vous ?, lui rétorque l'officier. Vous voulez rentrer chez vous ?».
La reproduction de ces échanges avec la capitainerie met le capitaine du navire en bien mauvaise posture. Elle confirme de prime abord qu’il a faillit à sa mission. Pour sa part, la compagnie Costa Croisière a d’ores et déjà conclu à une « grave erreur humaine ».
Une « grave erreur humaine » pour Costa Croisière
Les dirigeants ont fait leurs comptes, prévoyant une perte de 90 millions d'euros, soit le chiffre d'affaires attendu par le Concordia en 2012. Ce dernier effectuait une rotation par semaine sur un parcours passant par Savone (Ligurie), Barcelone, Palma, Tunis, Palerme, Civitavecchia (Latium). Il était assuré pour une valeur de 450 millions de dollars.
Selon son avocat, Bruno Leporatti, le capitaine du Costa-Concordia est un «homme bouleversé qui exprime ses condoléances aux victimes et à leurs familles». Le défenseur affirme que son client «a sauvé des milliers de vies», et que «le bilan pouvait être bien pire».
Francesco Schettino, 52 ans est diplômé de l'Institut nautique de Sorrente, sur la côte amalfitaine, il naviguait depuis trente ans. D'abord pour la compagnie Tirrenia, puis, à partir de 2002, pour la compagnie Costa. Il avait accédé au grade de capitaine en 2006.