Attentats de Paris : pour Dominique Vidal, "c’est sur le terrain politique qu’il faut agir"
Par nicolas éthèvePublié le
Journaliste spécialiste du Moyen-Orient durant de longues années pour Le Monde Diplomatique, Dominique Vidal dirige aujourd’hui avec Bertrand Badie, « L’Etat du monde », annuel de La Découverte. Après les attentats de Paris, il répond à ses trois questions posées par Médiaterranée.
- Comment avez-vous vécu la nouvelle des attentats à Paris ?
« J’ai appris les premiers attentats en rentrant en RER d’une conférence que je venais de donner à Nanterre. Son thème était : "Pourquoi tant de guerres ?". C’était, hélas, prémonitoire… Depuis les attentats de janvier, je m’attendais à une "réplique". Mais pas de cette ampleur. Trois faits, d’emblée, m’ont frappé : le nombre considérable de morts ; le fait que les victimes aient été choisies au hasard ; et le suicide des djihadistes. Il s’agit donc indiscutablement d’une nouvelle étape, qui doit nous faire réfléchir.
- Hier, vous avez dénoncé sur votre compte Facebook un "massif lavage de cerveau", pourquoi ?
Parce que les médias, alignés sur l’exécutif, ont entonné le grand air de la guerre. Seules quelques rares voix, notamment celle de Dominique de Villepin, ont posé la seule question qui vaille : "comment vaincre Daesh ?" Et tous les experts militaires le savent : la guerre n’est pas la bonne solution, ni sous la forme de bombardements, ni sous celle d’une intervention au sol. Le creuset des crises irakienne et syrienne est politique : c’est donc sur le terrain politique qu’il faut agir. Il n’est d’ailleurs pas besoin d’avoir fait une grande école militaire pour aboutir à cette conclusion. Depuis que George W. Bush a décrété la "guerre contre le terrorisme", quels en sont les résultats ? Echec en Afghanistan, échec en Irak, échec en Syrie. Mais plus d’un million de victimes civiles ! "Errare humanum est, perseverare diabolicum", dit le proverbe, confirmé en l’occurrence par le fiasco libyen de Nicolas Sarkozy. Il est temps de donner sa chance à la paix. La coalition dont il est beaucoup question devrait donc avoir pour objectif numéro 1 la mise en place de transitions politiques assurant la représentation de toutes les communautés, y compris les sunnites dont la marginalisation et l’humiliation alimentent l’offensive terroriste.
- Aujourd'hui, la situation semble plus inextricable que jamais et l'avenir proche apocalyptique. Quelles sont pour vous les solutions qui pourraient être mises en œuvre immédiatement et à moyen et long terme pour vivre dans un monde de paix, sans terrorisme, existent-t-elles ?
La question va en effet bien au-delà de l’Irak et de la Syrie. Depuis la chute du mur de Berlin et la fin du communisme, le monde a beaucoup changé. La transformation la plus radicale est la montée des Etats émergents, à commencer par les BRICS. Cette modification des rapports de force mondiaux devrait notamment amener à réformer l’ONU, afin que celle-ci gère de manière plus démocratique la planète et ses conflits. Tant que les grandes puissances, les anciennes comme les nouvelles, agiront unilatéralement, elles ne pourront qu’alimenter le chaos actuel. »