BD : « L’évasion », selon Berthet One
Par nicolas éthèvePublié le
Berthet One est un parfait exemple de résilience moderne, s'il en est... Condamné à dix ans de « zonzon » pour braquage en 2005, il a commencé par faire trembler de rire les murs de la prison de Vincennes, avant de dédicacer, depuis le 17 novembre, sa première bande-dessinée très explicitement intitulée « L'évasion » et publiée chez Indeez.
Incarcéré, il décide « d'utiliser [son] temps à bon escient ». Il reprend le chemin de l'école. Passe le BAC, le BTS et, au passage, recommence à griffonner sur ses fameuses feuilles blanches qu'il noircissait déjà, tout gosse, sur les bancs de l'école. Jusqu'à attirer l'attention de ses surveillants pénitentiaires et de ses codétenus avec ses dessins marrants au trait humoristique et « hip-hopisant ». Du côté des « matons », comme il les appelle toujours, ou des « taulards », c'est la même rengaine : « mais attend, tu as un talent de dingue ! ».
« Tu as un talent de dingue ! »
Du coup, Berthet One s'inscrit aussi dans un atelier de dessin. « Quand l'animateur a vu comment je dessinais, il m'a proposé de participer à des concours, raconte le principal intéressé. A chaque fois, je les gagnais et je vendais des dessins. Un jour, il m'a dit : ''il faut absolument que tu participes au concours Transmurailles du festival d'Angoulême !'' J'y ai participé et j'ai été lauréat en 2009. De là, il y a des éditeurs qui sont venus me voir au parloir pour me proposer des contrats ».
Son histoire, Berthet One en parle sans tabou. Il l'évoque dans sa bande-dessinée où il se campe, lui, dessinateur, dans l'univers carcéral. Et la raconte volontiers au micro des journalistes quasiment mécaniquement intrigués par l'histoire de « ce jeune black qui vient du 93 et qui expose ses planches dans les beaux quartiers de Paris depuis qu'il est sorti de taule », comme le dit Berthet One, lui-même...
Voir la vidéo diffusée sur le site Culturebox de France Télévisions :
Au-delà de ces échos médiatiques bienvenus, ce qui reste « très important » pour Berthet One, c'est de pouvoir partager son expérience en direct avec la jeunesse, comme il a pu le faire la semaine dernière à Montpellier et Clapiers, dans l'Hérault (Languedoc-Roussillon), à l'occasion des derniers Renc'Arts organisés par l'association Uni'Sons. Après le rappeur lillois Axiom, Berthet One était invité à parler de son parcours personnel et artistique devant des collégiens et forcément, on n'a pas tardé à entendre les mouches voler... « Ils m'ont écouté avec attention, j'ai trouvé ça formidable », commente Berthet.
Son message à « nos chères têtes blondes », qui trop souvent ne savent pas encore quoi faire de leur vie et n'ont déjà plus de rêve, ni de passion, à 15 ans ? Le voici : « Vous vivez peut être des choses difficiles, mais il faut avancer et vous avez toutes les chances d'y arriver à partir du moment où vous vous en donnez les moyens. C'est super important de se trouver des objectifs et de se donner les moyens de les atteindre ».
« Des rêves et de la passion »
Des rêves et de la passion, Berthet en avait à 15 ans et ils tournaient tous les deux autour du dessin, avant de s'en éloigner, comme il le raconte pour Médiaterranée : « J'aime le dessin depuis toujours. Quand j'étais gamin et qu'on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je disais même que je voulais en faire mon métier. Les grands me disaient : ''Choisi un vrai boulot''. J'ai grandi dans la culture hip-hop et vers 14, 15 ans, j'ai commencé à peindre des graffitis. A 17 ans, je me suis rendu compte que le dessin coûtait de l'argent et que j'en n'avais pas. J'en voulais, j'ai commencé à faire des conneries et j'ai lâché le dessin... » Avec les conséquences judiciaires que l'on sait...
Aujourd'hui, les conclusions de Berthet sont limpides pour la jeunesse : « je leur dis d'éviter de faire la même chose. Parce qu'on n'est pas tous dessinateur, on n'a pas tous un talent qui nous permet de ressortir gagnant de cette prison. Et puis, je leur dis que s'ils veulent éviter de voir ce que j'ai vu en prison, il faut éviter les conneries ». Ou lire tout simplement « L'évasion », qui dans chacune de ses scénettes, part toujours d'une histoire vraie à la première case pour finir ensuite sur une touche humoristique. Sans oublier cette certitude : la prison, ce n'est pas de la BD, même si cet art y a été « l'exutoire » de Berthet. D'abord à l'intérieur du centre pénitentiaire de Vincennes, puis, depuis l'an passé, à l'air libre.
Avec, pour fêter ça de manière très pétillante, à la sortie, un premier vernissage dans une galerie aux abords des Champs-Elysées. Et les premiers sourires de la liberté : « L'expo a super bien marché, c'était plein, il y avait plein de monde ! Il y avait le Jamel Comedy club, des rappeurs, des jeunes des quartiers, des gens des beaux quartiers de Paris... Et tout ce monde a pu se rencontrer autour de la culture urbaine, c'était super ! » De quoi donner de l'inspiration pour la prochaine BD, Berthet One !
N.E