La statue de Gavrilo Princi

Belgrade: une statue en hommage à Gavrilo Princip

Gavrilo Princip, qui fut il y a un siècle, l'assassin de l'archiduc François Ferdinand et de sa femme Sophie, aura sa statue dans le Parc des Finances à Belgrade. 
 
Le monument à la mémoire de ce Serbe de Bosnie originaire du village Obljaj près de  Bosansko Grahovo, sera inauguré le 28 juin 2015, soit exactement cent un ans après que son crime a déclenché la catastrophe planétaire sans précédent de la Première Guerre mondiale.
 
Pour le gouvernement serbe, cette statue de deux mètres qui pèse 350 kg, est considérée comme un hommage à "l'homme qui a accompli un acte héroïque et qui est devenu la victime de la lutte pour la liberté, dans le cadre honorable de l'histoire serbe".
 
Les autorités belgradoises ont par ailleurs totalement ignoré les controverses suscitées par cette décision, dans les milieux intellectuels et scientifiques.
Ainsi, l'historien Slobodan Markovic pointe la signification et la portée symbolique d'un tel message en Serbie, en Europe et aux quatre coins de la planète:
"Le royaume des Slaves du sud n'a jamais consacré aucun monument à Princip malgré le fait qu'il fut directement liée à la premièreguerre mondiale. Le monarque n'a pas voulu provoquer le soupçon des capitales européennes pour un acte qui semblait très déplacé à l'époque. Surtout que le pays a été fondé bien avant  l'année 1914. Je propose actuellement la même  vigilance, tout en acceptant  ce sentiment patriotique. A Belgrade ont été érigées des
statues à des personnes qui ne les méritaient pas. Gavrilo Princip ne se trouve pas parmi les personnages plus négatifs de notre patrimoine".
Le monument est en fait le cadeau de la République Serbe de Bosnie-Herzégovine "à son matricule belgradois" selon des explications
de Goran Vesic, auto proclamé manager de la capitale serbe.
 
Le professeur Markovic souligne le changement de situation et l'évolution des moeurs, d'abord en Autriche où l'héritier Ferdinand et
son exécuteur Princip sont considérés comme des victimes de guerre :
"Princip fut un révolutionnaire romantique qui avait souhaité et qui avait cru au fondement d'un État serbo-croate, voire yougoslave. Mais il a quand même tué deux personnes ! D'une certaine manière et dans le contexte historique donné, son intention de faire disparaître François Ferdinand est compréhensible, mais il est impossible d'accepter la mort de sa femme", indique Markovic qui ne voit aucune  raison valable d'installer la statue dans le parc belgradois.
 
Un panslavisme sous la houlette serbe
Notre gouvernement lui prête  grande force nationaliste et une aura de grandeur serbe qu'il n'a pas possédé. Il a considéré que le fait d'être Serbo-Croate signifiait Yougoslave". Ceci est erroné car Princip était Bosnien. De plus une statue récente existe à Dobrinja, quartier orthodoxe de Sarajevo.
 
Markovic croit que le jeune homme était un anarchiste et un athée qui rêvait d'une unité nationale, comme la plupart des gens de
cette époque. "Seulement pour son malheur, Gavrilo Princip a vu le meurtre qu'il a commis devenir le principal élément déclencheur d'une guerre qui devait faire des millions de victimes, ce qui a chargé son acte très négativement."
 
Le président de l'assemblée belgradoise, Nikola Nikodijevic admet  sur un ton ironique que la capitale serbe est pauvre en monuments dédiés aux grands hommes et pense qu'il est urgent de corriger cette négligence: "Belgrade se prépare à inaugurer la statue de Princip, ce membre de la "Jeune Bosnie", et, parait-il, grand propagateur de panslavisme. Il a essayé de sortir des Slaves du sud l'empire austro-hongrois  et les unifier en tuant l'hériter de la couronne autrichienne et sa femme, la duchesse Sophie, le jour même de  la Saint Guy, grande fête orthodoxe.L'attentat de Sarajevo a été le déclencheur de la Première guerre mondiale."
 
Pour l'historien Milivoj Beslin, la décision d'installer la statue de Princip à Belgrade représente une malversation historique: "Princip a été un idéaliste, un révolutionnaire orienté vers l'idée yougoslave. Certes il reste l'assassin de l'héritier autrichien  mais il appartient à cette période qui a accepté pareils agissements et méthodes, aujourd'hui peu compréhensibles. Chaque événement historique doit être analysé selon les critères de son propre temps .
 
Il est clair qu'il s'agit de l'abus  et du changement de la nature du symbole de  Princip, ainsi que des valeurs qu'il a fidèlement entretenues, sans juger les méthodes  employées. Le président de la République Serbe de Bosnie, Milorad Dodik, personnage complètement opposé à Princip, offre à la Serbie sa statue en annulant sa signification basique. Nous devrions suivre l'Occident qui en célébrant ses propres héros n'oublie pas les victimes du camp opposé."