MAHB : fallait-il sortir le scoop des paris truqués ?
Par nicolas éthèvePublié le
Fallait-il, ou non, que France 3 Languedoc-Roussillon révèle l'information explosive de l'enquête en cours sur une dizaine de joueurs du MAHB et des membres de l'encadrement pour trucage de paris sportifs ? C'est la question qu'a décidé de poser Médiaterranée Languedoc-Roussillon, alors que les avis divergent grandement, sur ce point, dans le champ journalistique montpelliérain.
L'idée est venue à la lecture du premier article consacré hier matin par Midi Libre à cette affaire. Ce papier se concluait ainsi par cette chute sans équivoque, quant à la réponse à apporter à cette question potentielle : « l’annonce faite par France 3 hier soir en direct de l’existence de cette enquête et de l’interpellation à venir d’un certain nombre de joueurs du MAHB, désignés nomément à l’antenne, a plongé dans la stupéfaction certains des magistrats ayant connaissance de cette enquête. "Ca fout en l’air la procédure, pestait l’un d’eux. Ils ont fusillé délibérément le dossier''. »
En résumé : il ne fallait pas sortir l'information, c'était trop tôt, cette révélation journalistique met grandement en danger la réussite de cette procédure et ses chances d'aboutissement dans une condamnation, si les faits s'avèrent avérés.
En dehors de Midi Libre, c'est aussi l'avis qu'exprime, sous couvert d'anonymat, un journaliste montpelliérain spécialisé dans le traitement des faits-divers et de la chronique judiciaire. Son point de vue est d'autant plus tranché qu'il disposait lui aussi de l'information selon laquelle les frères Karabatic et consorts allaient être interpellés lundi prochain.
« Un scoop, ce n'est pas casser une enquête ! »
Il disposait de l'information, mais avait choisi de ne pas la sortir. Il nous explique pourquoi : « un scoop, ce n'est pas casser une enquête de police ou de gendarmerie en cours, c'est annoncer l'opération quand elle est lancée, quand ça ne gêne plus ! Les bons journalistes d'investigation respectent cette règle, en général... Il y a une question de confiance entre le journaliste et l'informateur de la police, de la gendarmerie ou de la magistratrure : là, le journaliste de France 3 Sud est allé trop loin, il fait capoter toute l'instruction en cours et l'opération prévue la semaine prochaine, parce que maintenant, les protagonistes sont au courant. Ils devaient rentrer d'Allemagne pour aller à Paris, puis à Montpellier, c'est à ce moment-là qu'ils devaient être tous interpellés et mis en garde à vue, en plein effet de surprise. Là, maintenant toutes les personnes concernées vont essayer de se mettre d'accord et ça va compliquer l'affaire pour les enquêteurs et le risque absolu, dans cette configuration de la révélation, c'est que l'enquête capote complètement ».
Et le journaliste fait-diversier de rappeller qu'à l'époque de l'interpellation du Corbeau, cet héraultais qui envoyait des balles dans des lettres anonymes à des élus de l'UMP à l'époque de la présidence Sarkozy, « tous les journalistes savaient « quel jour il allait être interpellé, à quelle heure et à quel endroit, suite à sa localisation, mais personne n'a sorti le scoop, aucun journaliste n'a dit ou écrit qu'il allait être arrêté dans 3 jours, c'est du jamais vu ça, c'est complètement irresponsable ! Annoncer une semaine avant le nom des gens qui vont être interpellés, c'est quelque chose d'inimaginable, pour moi ! C'est comme si dans l'affaire Bettencourt, des journalistes avaient annoncé trois jours avant qu'il y allait avoir une perquisition... Pour moi, ce n'est pas du journalisme ! »
« Un journaliste, son boulot, c'est de sortir une info ! »
Directeur de l'Ecole Supérieure de Journalisme (ESJ) de Montpellier, Benoit Califano pense exactement l'inverse. Pour lui « le joli coup » de France 3 relève bien du journalisme : « Un journaliste, son boulot, c'est quand même, à un moment donné, de sortir une information ! Quand il a une information dans les mains, c'est quasiment de l'ordre de son devoir de la publier... S'il y a eu un problème de fuite au sein du système judiciaire, qui entraîne le fait que des journalistes sont au courant, eh bien, chacun doit balayer devant sa porte, c'est à dire que la police et la justice doivent s'interroger sur les raisons qui ont entraîné la divulgation de l'information. Bien entendu, il y a des situations où la question se pose, mais c'est plus des questions liées à la sécurité des personnes, à la non-mise en danger de leur vie. Mais quand un journaliste a une information de la teneure de cette révalation sur ces éventuels paris truqués, c'est de l'ordre de son devoir personnel que de la sortir. D'autant plus que le MAHB est financé par les collectivités, il porte une image forte de Montpellier, cela me paraît tout à fait légitime et intéressant que les citoyens soient au courant de cette information. Ils montrent d'ailleurs depuis hier un grand intérêt pour cette révélation qui a été reprise très largement dans les médias ».
« Globalement, dans ces histoires, on renvoit toujours aux journalistes que ce n'est jamais le bon moment de sortir une information, poursuit Benoit Califano, qu'il faudrait quasiment attendre la fin des procès pour sortir une info ! L'histoire de la République est pleine de moments où, effectivement, la presse a précédé les verdicts de justice et a sorti des infos avant que le procès ait lieu, parce que c'est son job... Et chacun doit faire son job ».
Quant à se demander si cette information va faire capoter l'enquête ou pas, « ce n'est pas le problème du journaliste », pour le directeur de l'ESJ-Montpellier : « Un journaliste est là pour informer le citoyen. Le reste, c'est le problème de la justice et de la police. Le boulot du journaliste, c'est de sortir l'information, c'est tout, sauf quand il y a un danger pour la vie d'une personne, où là, on réfléchi à deux fois. Cet argument, il fonctionnerait pour tout : il fonctionnerait pour tout un tas de procès, ceux des politiques, notamment, donc, il faudrait que les journalistes arrêtent de faire leur boulot ? Ce n'est, bien sûr, pas une perspective envisageable... »
Mise à jour du 27.09.12, à 13h45 : Patrick Montel, le journaliste sportif de France 2, qui a publié hier un billet explosif - témoignage à l'appui - sur cette affaire des paris truqués du MAHB, a été interviewé par Emilien Jubineau, journaliste de France 3 Languedoc-Roussillon à l'origine de la révélation de ce scoop. Dans cet entretien, Patrick Montel regrette que le monde du handball préfère mettre en doute la FDJ et les journalistes, plutôt que de reconnaître qu'il y a peut-être des tricheurs dans leur discipline...
Voir l'enregistrement de l'interview de Patrick Montel par Emilien Jubineau, de France 3 Languedoc-Roussillon :
Source : France 3 Languedoc-Roussillon
A lire !
- MAHB : Les « pieds nickelés » sont face à leur sort judiciaire !
- Patrice Canayer et Rémy Lévi (MAHB) : « le club se sent trahi »
- MAHB : Parier n'est pas truquer, ni tricher pour la défense des joueurs
- Le PSG terrasse le MAHB avec 14 buts d'avance, les interpellations suivent
- Paris sportifs : France 3 Languedoc-Roussillon révèle une enquête explosive pour le MAHB !
- Handball : Montpellier fête son 14ème titre de Champion de France !