PLF 2026 : la nouvelle taxe sur les holdings qui fait trembler les grandes fortunes
Le projet de loi de finances pour 2026 marque un tournant dans la fiscalité du patrimoine en France. Parmi les mesures les plus controversées : la création d'une nouvelle taxe visant spécifiquement les holdings patrimoniales qui détiennent des biens de luxe comme les yachts, les voitures de collection ou les jets privés. Le taux d'imposition bondit de 2% à 20%, provoquant l'inquiétude des grandes fortunes et de leurs conseillers fiscaux. Décryptage d'une réforme qui pourrait rapporter jusqu'à un milliard d'euros à l'État.
Présenté en Conseil des ministres le 14 octobre 2025 par Roland Lescure et Amélie de Montchalin, le projet de loi de finances 2026 affiche clairement son objectif : faire contribuer davantage les contribuables les plus aisés à l'effort de redressement des comptes publics. L'effort fiscal demandé aux détenteurs des plus gros patrimoines est chiffré à 6,5 milliards d'euros, dont 2,5 milliards proviendraient spécifiquement de nouvelles taxes sur le patrimoine financier et les holdings.
La mesure phare de ce PLF 2026 cible directement les montages financiers utilisés par de nombreuses grandes fortunes pour optimiser leur fiscalité. Il est en effet courant que des contribuables fortunés logent leurs biens personnels à usage non professionnel – yachts, voitures de luxe, œuvres d'art, résidences secondaires de prestige – au sein de sociétés holdings. Cette pratique leur permettait jusqu'ici de bénéficier de certains avantages fiscaux et d'échapper partiellement à l'Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI).
Le gouvernement entend mettre fin à ce qu'il considère comme une forme d'évasion fiscale légale mais moralement contestable. La nouvelle taxe sur les holdings patrimoniales s'appliquera aux sociétés détenant des biens à usage personnel dont la valeur dépasse un certain seuil. Le taux d'imposition, initialement fixé à 2% dans les textes existants, sera porté à 20% dans le projet gouvernemental. Une multiplication par dix qui a fait bondir les représentants des grandes fortunes et leurs conseils juridiques.
Un seuil de détention relevé pour cibler les vraies fortunes
Pour éviter de toucher les petits porteurs et les entreprises familiales classiques, le gouvernement a prévu d'ajuster le seuil de détention permettant de qualifier une société de « holding patrimoniale ». Ce seuil passerait de 33,3% à 50% de participation. Autrement dit, seules les sociétés dont au moins la moitié du capital sert à détenir des biens personnels de luxe seraient concernées par cette nouvelle taxation. Un ajustement technique qui vise à rassurer une partie des entrepreneurs inquiets de se retrouver dans le viseur du fisc.
Lors de l'examen du texte au Sénat, les sénateurs ont toutefois considérablement réduit l'ambition de cette mesure. Le rendement estimé de la taxe est passé d'un milliard d'euros dans la version initiale du gouvernement à seulement 100 millions d'euros dans la version adoptée par la chambre haute. Une division par dix qui reflète les pressions exercées par les lobbies des grandes fortunes et les craintes d'une fuite des capitaux vers des juridictions plus clémentes.
Parallèlement à cette taxe sur les holdings, le PLF 2026 envisage une réforme plus large de l'Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI). Le projet initial prévoyait de remplacer l'IFI par une contribution nouvelle avec un seuil d'entrée relevé à 2,57 millions d'euros et une assiette considérablement élargie. Cette nouvelle assiette intégrerait les résidences principales et secondaires, les logements vacants, les liquidités bancaires, les biens meubles corporels et même les actifs numériques comme les cryptomonnaies.
En contrepartie de cet élargissement de l'assiette, certaines formes d'épargne de long terme seraient explicitement exclues du calcul : assurance-vie, PEA, titres cotés, SCPI, capital-investissement et Plan d'Épargne Retraite (PER). L'objectif affiché est de « recentrer l'impôt sur les patrimoines non productifs » et d'inciter les grandes fortunes à investir dans l'économie réelle plutôt que dans des actifs improductifs comme les yachts ou les collections d'art.
Ces mesures s'inscrivent dans un contexte budgétaire particulièrement tendu. Le gouvernement vise à ramener le déficit public à 4,7% du PIB en 2026 et à moins de 3% à l'horizon 2029, conformément aux engagements européens de la France. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, il mise sur une combinaison d'économies budgétaires et de hausses d'impôts ciblées sur les plus aisés.
Parmi les autres mesures fiscales notables du PLF 2026 : la reconduction de la surtaxe à l'impôt sur les sociétés pour un rendement estimé à 4 milliards d'euros, la reconduction de la contribution différentielle sur les hauts revenus, et une hausse de 1,4 point de la CSG spécifiquement sur les revenus du capital. L'ensemble de ces dispositifs traduit une volonté politique de faire peser l'effort fiscal sur ceux qui, selon le gouvernement, ont « les moyens de contribuer davantage ».
La commission mixte paritaire réunie le 19 décembre n'est pas parvenue à un accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat, laissant planer une incertitude sur le contenu final de la loi de finances. Les grandes fortunes et leurs conseils fiscaux scrutent avec attention l'évolution des débats parlementaires, certains envisageant déjà des stratégies de délocalisation de leur patrimoine vers des pays à la fiscalité plus avantageuse. Un exode fiscal que le gouvernement espère éviter en maintenant un équilibre délicat entre justice fiscale et attractivité du territoire français.