Patrick Vignal : « Paris supposés truqués dans le handball, halte aux feux ! »
Par nicolas éthèvePublié le
Patrick Vignal est l'auteur de la fameuse expression des « Pieds Nickelés » attribuée aux joueurs du MAHB mis en examen dans l'affaire des paris dit truqués. Ancien adjoint aux sports de la Ville de Montpellier, un mandat dont il a démissionné suite à son élection à la députation sur la 9ème circonscription de l'Hérault, l'élu socialiste a publié cette semaine une tribune linre dans l'hebdomadaire de La Gazette de Montpellier. Soit quelques jours avant l'énorme rebondissement survenu aujourd'hui avec la réintégration de Nikola Karabatic et celle de Issam Tej dans l'effectif du club montpellier de handball. Loin du fracas médiatique de cette information du jour, nous publions ici, in extenso, cette missive, avec l'autorisation de son auteur...
Tribune libre de Patrick Vignal
« Dès le début de l’affaire des paris supposés truqués dans le handball français, j’ai tenu à m’exprimer de la façon la plus claire et cohérente possible : oui, les faits reprochés à quelques joueurs de Montpellier et à leur entourage sont plus dignes de «pieds nickelés » que de véritables voyous ; oui, j’ai eu envie de pleurer quand j’en ai appris l’existence car il faut bien le dire, cette affaire est à pleurer.
Tout est ici réuni en effet : la bêtise, l’appât du gain, la folie médiatique, le voyeurisme... Ici, à Montpellier, ce cocktail nous a explosé à la figure, blessant l’âme même de notre ville si fière des résultats de ses sportifs. En tant que responsable politique, et alors que le temps judiciaire doit désormais faire son œuvre, j’aimerais tout de même pouvoir tirer quelques leçons de ce triste épisode. Et dire "halte aux feux !" qui se sont propagés à toute vitesse dans notre cité, dévastant tout sur leur passage...
Halte au feu de l’argent roi !
Ce n’est certes pas un scoop, mais il semble bien que nous ayons atteint ici un sommet dans le genre - ou plutôt touché le fond : l’argent roi rend fou, même nos jeunes les plus "intégrés". « L’argent qui corrompt, l'argent qui achète... l'argent qui pourrit jusqu'à la conscience des hommes », dénonçait François Mitterrand il y a plus de quarante ans... Paroles terriblement d’actualité !
Il y a de quoi en effet être interloqué lorsqu’on se pose cette simple question : quel intérêt pour de jeunes gens dans la force de l’âge, gagnant très bien leur vie, de parier ainsi pour des montants « inférieurs à une journée de shopping de madame Ibrahimovic » comme l’a plaisamment précisé un quotidien national ? Qu’est-ce qui pousse à être à ce point imprudent, inconscient, stupide en un mot ? L’argent, nouvel opium non pas du peuple qui n’en a guère mais des élites, toujours plus avides. L’argent, qui n’a non seulement pas d’odeur mais surtout aucune valeur. L’argent, le véritable « ennemi » comme l’a dit François Hollande, auquel il va bien falloir s’attaquer sous peine de voir notre société définitivement exploser !
Halte au feu des médias !
Un lynchage médiatique : en voyant les images des joueurs du MAHB sortir du palais des sports Pierre de Coubertin entourés de policiers, un vrai malaise s’est emparé de moi. La mise en scène de ces arrestations, toutes ces caméras, la "meute" des photographes... Tout cela était-il bien nécessaire ?
Tout s’est passé comme si, au tribunal des médias, la sentence avait déjà été prononcée, la condamnation déjà exécutée : quelques secondes d’images "choc" et tout ce qui a pu précéder est littéralement balayé; cloués au pilori de l’image, les intéressés sont coupables, forcément coupables. Le pire est que cela ne semble plus émouvoir personne. Tout le monde semble avoir intégré cette toute puissance de la «médiasphère», jusqu’à... la police et la justice.
Etait-il vraiment nécessaire en effet d’emmener les joueurs au commissariat justement au moment où ils sortaient des vestiaires du match le plus important de l’année ? Comment l’expliquer sinon par la volonté de donner le maximum de retentissement médiatique à ces arrestations ? Dans le même "esprit", qu’est-ce qui a pu pousser le Procureur de la République de Montpellier à prononcer un véritable réquisitoire en faisant état de « très fortes suspicions » en conférence de presse, si ce n’est ce même désir (inconscient ?) de nourrir la bête médiatique ?
Halte au feu du voyeurisme !
Au fond, la morale de cette histoire est bien cruelle : à vouloir toujours plus, les « sales gosses » ont surtout gagné plus de discrédit, plus de suspicion, plus d’acharnement. C’est parce qu’ils sont au plus haut de leur sport et de leur gloire que leur chute, vertigineuse, fascine les foules. Dans la société du spectacle, on le sait, le voyeurisme est roi.
Peut-être suis-je naïf, rêveur, utopiste, mais je me dis que la raison va finir par reprendre ses droits. Qu’il doit être possible de contrecarrer les puissances de l’argent. Que rien n’oblige les médias à faire la Une sur des « pieds nickelés » quand de vrais drames se poursuivent en Syrie ou ailleurs.
Au moment de la campagne électorale, François Hollande parlait de « réenchanter le rêve français » : beau programme qui doit, pour moi, consister à savoir passer d’une société de "l’avoir" à une société de "l’être". Pour ce changement là, il y a le feu, en effet ».
Patrick Vignal
Député de l'Hérault,
Conseiller de l'Agglomération montpelliéraine,
Conseiller spécial au sport de la ville de Montpellier