Syrie : Incertitudes autour de la nature du régime qui se met en place

Syrie : incertitudes autour de la nature du régime qui se met en place

Le 8 décembre 2024 a marqué un tournant historique pour la Syrie avec la chute de Bachar al-Assad. L’homme fort derrière ce renversement, après une offensive éclair qui a débuté à Idleb et s'est achevée à Damas en seulement douze jours, Ahmed al-Charaa, fondateur du groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC), s’installe au pouvoir.

Dans un discours télévisé, al-Charaa a promis d'organiser une « conférence de dialogue national » pour obtenir un consensus sur le futur programme politique de la Syrie. Il a proclamé que ses priorités incluent la préservation de « la paix civile » et l'unité territoriale du pays, tout en soulignant la nécessité d'une « véritable justice transitionnelle » pour poursuivre ceux qui ont commis des crimes pendant le conflit.

Le nouveau pouvoir a également annoncé la dissolution de l'armée de Bachar al-Assad et du parti Baas, qui dirigeait la Syrie depuis plus d'un demi-siècle. Un « conseil législatif intérimaire » devrait remplacer le Parlement dissous, avec l'objectif d'établir une « déclaration constitutionnelle » servant de cadre juridique durant la période de transition. Ce processus, selon al-Charaa, pourrait prendre jusqu'à quatre ans pour organiser des élections et entre deux et trois ans pour rédiger une nouvelle constitution.

Des interrogations et des inquiétudes

Cependant, les décisions du nouveau leadership soulèvent des interrogations et des inquiétudes. La réunification des diverses factions armées au sein d'une nouvelle armée nationale pose la question de l'autonomie de ces groupes et de l'intégration de leurs dirigeants dans la structure militaire officielle.

Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie, souligne l'absence de diverses factions ethniques et politiques clés lors des discussions, notamment les Kurdes, les Druzes, ainsi que la Chambre d'opérations du sud de la Syrie dirigée par Ahmad Al Audeh.

Un autre point de discorde concerne l'approche islamiste claire affichée par le nouveau gouvernement. Ahmed al-Charaa, connu pour son passé djihadiste, pourrait-il imposer une ligne religieuse stricte à un pays caractérisé par une mosaïque ethnique et religieuse ? Des références historiques à des victoires islamiques passées dans ses discours inquiètent ceux qui craignent une gouvernance influencée par la charia.

La levée des sanctions

Sur le plan international, Ahmed al-Charaa cherche à rallier des soutiens pour lever les sanctions infligées à la Syrie sous le régime Assad. Les nations du Golfe, comme le Qatar et l'Arabie saoudite, ont déjà offert leur soutien, tandis que des discussions incluant des acteurs occidentaux et même russes pourraient favoriser la stabilisation et la reconstruction économique du pays. Cela inclut potentiellement des discussions sur la paix avec Israël, notamment concernant le plateau du Golan.

Cependant, le chemin à parcourir reste long et semé d'embûches. La mise en place d'une nouvelle gouvernance qui inclut toutes les factions sociétales syriennes est cruciale pour éviter de répéter les erreurs observées dans des pays comme l'Irak ou la Libye, où le démantèlement de l'État a conduit à l'anarchie. Parmi les priorités, la sécurisation des territoires fait déjà l'objet de manœuvres, avec HTC imposant sa présence sécuritaire dans les grandes villes comme Damas et Alep.

Ce climat changeant en Syrie est ponctué de manifestations de joie chez certains, mais aussi de scepticisme. La suspension de la Constitution et la prise de pouvoir par une figure islamiste divisent la population, qui oscille entre espoir et crainte. La volonté déclarée de construire un avenir prospère et pacifique pour tous les Syriens sera cruciale pour légitimer ce nouveau chapitre de l'histoire syrienne.