France : Laurent Nuñez, ministre de l'Intérieur, veut tourner la page du bras de fer avec Alger
Dans un entretien accordé au Parisien le 1er novembre 2025, le ministre français de l’Intérieur, Laurent Nuñez, plaide pour un apaisement des relations entre Paris et Alger. Il rompt avec la ligne dure de son prédécesseur Bruno Retailleau et souligne la nécessité de rétablir la coopération sécuritaire, aujourd’hui à l’arrêt.
Laurent Nuñez a choisi ses mots avec soin, mais le message est sans ambiguïté. Interrogé par Le Parisien, il a reconnu que la méthode de confrontation, privilégiée jusqu’ici, a conduit dans une impasse. « Ceux qui font croire aux Français que le bras de fer et la méthode brutale sont la seule solution se trompent. » Derrière cette formule, le ministre adresse un constat lucide : la diplomatie de la tension a échoué, coupant les canaux de coopération avec Alger.
« Le canal est totalement coupé aujourd’hui », admet-il, regrettant que la France se soit privée d’un partenaire essentiel en matière de sécurité, de lutte antiterroriste et de contrôle migratoire. « Pour un ministre de l’Intérieur, c’est un problème, un gros problème. » Le constat est clair : la stratégie d’affrontement, censée imposer une fermeté politique, n’a produit que l’isolement. Nuñez entend y mettre fin.
Reprendre le dialogue, restaurer la confiance
Dans la même interview, le ministre évoque une « reprise de contact » avec son homologue algérien, signe tangible d’un dégel diplomatique. Ce retour au dialogue, explique-t-il, repose sur le « respect mutuel » et la recherche de « résultats concrets ». À rebours du registre autoritaire qui avait marqué la période précédente, Nuñez assume une approche pragmatique : rétablir la communication, rouvrir les dossiers sécuritaires, réinstaurer les échanges d’informations.
Pour Paris, ce changement de méthode répond à une urgence : celle de reconstruire la coopération opérationnelle avec Alger. Les services de renseignement, la police et la justice françaises savent combien la coordination avec leurs homologues algériens demeure essentielle pour endiguer les trafics et prévenir les menaces transnationales.
Là où Bruno Retailleau parlait d’« exigence » et de « rapport de force », Laurent Nuñez choisit désormais le langage du réalisme. « La coupure totale n’a rien réglé », insiste-t-il. Le ministre revendique une rupture de style : moins d’agressivité, plus de diplomatie.
Une inflexion stratégique pour la France
Ce virage dépasse la simple question migratoire. Il traduit une réorientation de la politique française vis-à-vis du Maghreb, dans un contexte où la compétition d’influence s’intensifie. En réaffirmant que « l’Algérie reste un partenaire incontournable », Nuñez repositionne la France sur le terrain du dialogue stratégique. L’idée est claire : la stabilité régionale, la gestion des flux migratoires et la sécurité commune nécessitent une coopération apaisée.
Ce changement de ton, après des mois de crispation, apparaît comme une nécessité plus que comme un choix. L’ère du bras de fer a montré ses limites. En prônant l’écoute et la concertation, le ministre veut renouer avec une diplomatie de confiance, tournée vers l’efficacité et le respect mutuel.
Laurent Nuñez parie sur la raison plutôt que sur la tension. Pour Paris, c’est le seul chemin possible pour restaurer une relation franco-algérienne stratégique, fondée sur la coopération et non plus sur l’affrontement.
Photo: (DR)