Algérie : Gaïd Salah opte pour le face-à-face avec la rue

Des élections présidentielles et vite ! Telle est la volonté du général omnipotent qui caracole à la tête de l’armée depuis la chute d’Abdelaziz Bouteflika.

Ahmed Gaïd Salah a parlé: le corps électoral sera convoqué le 15 septembre prochain et les élections auront lieu 90 jours après, conformément à la Constitution. Qu'on se le dise, et silence dans les rangs !

Les millions d’Algériens qui portent haut l’espoir d’une transition vers une Algérie nouvelle devront se mettre en veilleuse. Les détenus d’opinion attendront le bon vouloir d’une justice aux ordres. Les défenseurs des droits et libertés auront tout intérêt à raser les murs. La récréation est finie. Gare aux rebelles !

Des élections présidentielles et vite ! La messe est dite. Et d’ailleurs, un homme va surgir, candidat providentiel entouré de lièvres, auréolé de la bénédiction du général, et l’argent public coulera à flot pour soigner son image, convaincre de sa haute compétence, de son attention, de sa volonté inébranlable de servir le peuple, seulement le peuple, de faire encore et toujours la chasse aux corrompus et aux corrupteurs. Tout comme le général. 

Le chef d’Etat-major Gaïd Salah figure probablement parmi les personnalités les plus comblées de l’histoire de l’Algérie. Il a été choyé et propulsé par le président déchu, il a tiré son épingle du jeu le moment venu, il a livré bataille avec succès à ses ennemis et protégé ses amis, il a su lâcher du lest à la rue, il a habilement dosé la répression –la machine se déploie petit à petit- il a excellé dans l’usage de la langue de bois, et il s’est confortablement installé au sommet de l’Etat…

Le chef d’Etat-major Gaïd Salah savoure l’ivresse du pouvoir. Il veut à présent commander la marche et le rythme de toute l’Algérie dans la direction qu’il a choisie. Mais qui donc pourrait mieux faire ? N’est-il pas le chef suprême d’une armée « qui a donné un exemple à tous, en termes de dévouement, de loyauté et de protection de la patrie, et a prouvé sa capacité à consacrer le lien solide entre le peuple son armée » ? (allocution prononcée le 2 septembre à In-Amenas)

Le général en est convaincu : il n’est pas d’autre voie que celle désignée par l’armée pour le redressement du pays. Les mots d’ordre de rupture, de transition, d’assainissement des institutions et des sphères de pouvoirs, de libertés individuelles et collectives, de régime civil et non militaire, ne sont que foutaises et illusions entretenues par la « bande », ses complices et ses serviteurs sournoisement infiltrés dans les rangs des manifestants, dans les partis politiques, dans les quartiers, dans les familles. La "bande" est partout. Gaid Salah se doit de protéger le peuple, quand bien même il faudrait le contraindre à accepter cette "protection".

Sauf que pour la première fois depuis son indépendance, ce peuple-là est aujourd’hui debout. Debout et déterminé à prendre son destin en main. Comment imaginer un seul instant sa mise au pas, sa soumission, son recul, l’abandon de ses aspirations, l’extinction de l’enthousiasme de sa jeunesse, l’effondrement de cette créativité qui illumine les esprits, nourrit tous les espoirs d’une Algérie nouvelle ?

Pourquoi Gaïd Salah prend-il ainsi l’initiative d’affronter les Algériens ? Qui a intérêt à ce face-à-face ? Qui encourage ce brave général à avancer sur ce chemin escarpé ? La deuxième révolution algérienne n’a pas fini de soulever des questions. Elle n’a pas non plus fini de grandir et de franchir des étapes. Parions que rien ne l’arrêtera...