Réfugiés: une tragédie qui pourrait bien faire exploser les frontières
Par N.TPublié le
Le flux incessant des réfugiés, drame concomitant aux expéditions guerrières au Proche-Orient et à l’aggravation de la misère en Afrique, place la communauté internationale devant ses responsabilités.
Réaction désastreuse et révoltante que celle de la communauté internationale face à la crise migratoire, la pire, constate-t-on pourtant, depuis la Seconde guerre mondiale. C’est « une crise mondiale (…) Ce n'est pas un défi régional (...) C'est un test pour nous tous », a reconnu, lundi 29 février à Washington, le chef de la diplomatie américaine John Kerry. Ceci, sans toutefois évoquer la moindre piste de réponse à la hauteur de ce que les ONG ne cessent de dénoncer: une catastrophe humanitaire de grande ampleur. D’autant que suite aux attentats de Paris, le Congrès américain, à majorité républicain, a adopté jeudi 19 novembre 2015 une mesure de suspension de l’accueil de réfugiés syriens et irakiens. Les candidats sont pourtant rigoureusement sélectionnés par l’ONU dans les camps du HCR en Turquie, en Jordanie et en Egypte.
Plus de 131 000 personnes se sont risqués à prendre la mer depuis le début de l’année 2016, selon le HCR l'agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Dernier épisode de cette tragédie : quelque 24 000 d’entre eux végètent dans des conditions épouvantables en Grèce, dont 8500 à Idomeni, une localité proche de la frontière macédonienne. Un effectif quatre fois supérieur à la capacité des deux camps installés sur les lieux, a indiqué Médecins sans frontières (MSF). « Ces conditions de surpeuplement conduisent à des pénuries de vivres, d'abris, d'eau et de sanitaires. Les tensions s'accumulent, alimentant les violences et faisant le jeu des passeurs », a souligné Adrian Edwards, porte-parole du HCR, lors d'un point de presse à Genève.
L'impuissance de l'ONU devant le désastre...
Présente sur le terrain en première ligne, l’organisation voit ses missions d’assistance compromises par l’attitude irresponsable des Etats Européens dont les frontières se ferment les unes après les autres. Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a beau jeu de relever, jeudi 3 mars, que « les décisions unilatérales (de fermeture des frontières, ndlr) portent atteinte à la solidarité ». L’institution se montre incapable d’en créer les conditions, de trouver des solutions communes. De plus, elle conforte surtout ces mêmes Etats dans la posture de pays menacés d’invasion. «Ne venez pas en Europe. Ne croyez pas les passeurs. Ne risquez pas vos vies et votre argent. Tout cela ne servira à rien», a lancé le même Donald Tusk aux « migrants économiques illégaux potentiels ». «L’Europe ne peut pas accueillir tous les migrants en provenance de Syrie, d’Irak ou d’Afrique», avait twitté dans le même esprit Manuel Valls, le 13 février dernier.
L’Europe libérale du chacun pour soi baigne ainsi dans une incroyable cacophonie, bricolant au coup par coup, de sommet en sommet (lire ci-contre), des solutions provisoires très vite dépassées devant l’ampleur de la tragédie. Cette Europe qui se ferme, à l’exception de l’Allemagne, est pourtant loin d’être en première ligne face aux flux des réfugiés. Le Liban et la Jordanie aux faibles ressources économiques comptent respectivement 209 et 90 déplacés pour 1000 habitants, selon le HCR. Les réfugiés affluent également par centaines de milliers en Turquie où ils s’entassent dans des camps à la merci des réseaux de passeurs qui prospèrent sans trop être inquiétés par les autorités. La Suède est le seule pays européen qui enregistre 15 réfugiés pour 1.000 habitants.
Le drame revêt ainsi une dimension internationale et bute sans surprise sur l’impuissance de l’ONU. Le HCR ne peut que constater l’ampleur du désastre concomitant aux expédions guerrières qui ravagent le Proche-Orient depuis deux décennies. Mais pas seulement. Les réfugiés fuient aussi la misère et les guerres internes qui déchirent nombre de pays africains, la Somalie, le Soudan, l’Erythrée… Un seuil d’alerte est largement atteint qui pourrait bien faire exploser les frontières, quelle que soit leur épaisseur.