Résidents du Refuge, ils écrivent contre l'homophobie : le témoignage de Mathieu !
Par nicolas éthèvePublié le
Médiaterranée, le Refuge et MonRubanBleu® s'associent pour donner la parole chaque dimanche, à un jeune résident du Refuge. Au travers de leurs écrits, ils racontent leur histoire et leurs difficultés face à l'intolérance homophobe pour qu'elle disparaisse de ce monde. Aujourd'hui, nous vous livrons le témoignage de Mathieu.
Deux mois après la mort de Peter, ce jeune homosexuel que ses parents homophobes voulaient exorciser pour qu'il « change de bord », Le Refuge, MonRubanBleu® et Médiaterranée ont décidé de s'associer pour donner chaque dimanche de ces prochaines semaines, la parole à un résident du Refuge. Pour qu'ils puissent, chacun à leur tour, vous raconter leur histoire et leurs difficultés face à l'intolérance homophobe. Parce que l'écriture libère et transforme les êtres et le monde.
Après le précédent témoignage de Victoire, nous vous livrons ce dimanche 7 septembre, celui de Mathieu*, un jeune de 16 ans qui a été jeté à la rue par ses parents en raison de son homosexualité, avant d'être aujourd'hui un résident du Refuge.
Le témoignage de Mathieu
"Je suis né en Espagne, j'y ai vécu quelques années, j'étais un enfant très solitaire, mes parents travaillaient beaucoup, une enfance comme tant d'autres, à part l'alcoolisme de mon père, qui nous a fait vivre, mon frère et moi, de nombreuses scènes de violences conjugales.
À 14 ans, j'étais en 4ème, je me sentais très proche des filles, mais je n'avais aucune attirance envers elles, je me posais énormément de questions, on ne m'a jamais parlé de l'homosexualité, je me demandais si j'étais le seul à ressentir de telles choses, je me demandais si j'étais normal, je me demandais pourquoi moi ? Un jour, je me suis lancé, j'en ai parlé à quelques amis, qui ont tous très bien réagi. Enfin... J'étais apaisé, libéré, je n'avais plus besoin de me cacher, je pouvais enfin être Moi, avec un grand "M". Ma famille n'était au courant de rien. Mais un jour, alors que j'étais sorti, ma mère a fouillé dans mon téléphone. Lorsque je suis rentré, elle était là, devant moi, assise sur mon lit, elle pleurait, elle m'a regardé et m'a dit : "Tu me fais honte, tu ne peux pas rester comme ça." Puis elle en a parlé à mon frère et mon père.
Depuis ce jour, l'ambiance à la maison est devenue insupportable. Les vacances d'été tombent plutôt bien, je pars deux mois dans ma famille, en Espagne. Mais de retour à la maison, à c'est de pire en pire : je subis, insultes, humiliations, mépris. Un jour mon père me dit : "si j'avais su que tu serais PD, j'aurais demandé à ta mère d'avorter". Ce qui a encore fait empirer les choses, c'est le mariage pour tous : à ce moment-là, mes parents ont fini de me rejeter totalement.
Un jour, je décide de parler de tout ça à une surveillante de mon établissement, elle est la seule à qui je me confie la plupart du temps, je deviens agressif avec tout le monde, je plonge complètement. J'ai 15 ans, je suis à bout, j'ai comme l'impression d'avoir un énorme sac de pierres à traîner. J'essaye d'avancer, mais je n'y arrive plus. Je vais tellement mal que je me taille les veines, pensant ainsi faire réagir mes parents, je fonce alors vers mon père, lui montre mes bras en lui disant "tu es heureux" il me répond "de toute façon un PD ne mérite pas de vivre", des mots si durs qu'ils résonnent encore dans ma tête.
Le réveillon arrive, et, vu l'ambiance familiale, je préfère m'éclipser, car je n'ai plus l'impression d'appartenir à cette famille. A mon retour, mon père me dit "soit tu pars, soit je te vire". Pensant que c'est juste un coup de colère, je prend quelques affaires et passe trois jours dans la rue. Un jour, alors que mes parents sont absents, je décide de rentrer chez moi, mon frère s'avance vers moi et me dit : "tu n'as pas compris, on t'a dit de dégager, donc dégage". Je repars donc de chez moi.
Plus les jours passent et plus ça devient difficile : j'ai peur, j'ai faim, j'ai froid. Je me prostitue pour pouvoir manger, je suis épuisé, j'attrape pas mal de maladies qui m'affaiblissent de plus en plus, je suis à bout. Je décide d'aller chez un ami pour voir s'il peut m'héberger un peu, le temps que je trouve une solution, heureusement pour moi, il accepte. Un jour, je reçois un appel de la CPE de mon établissement qui me demande de passer la voir. J'ai peur, mais j'y vais, après tout, je n'ai pas grand chose à perdre. À leur demande, je leur raconte mon histoire, ils décident de m'aider et me trouvent un stage dans un hôpital.
J'essaye alors de mettre mes maux de côté, pour me lancer à fond dans ce stage. Tout se passe plutôt bien. Fin de stage, je passe à l'hôpital pour récupérer mon rapport de fin de stage, là ma responsable me dit qu'elle connaît toute mon histoire et que des policiers sont là pour moi. À cet instant, j'ai très peur, je ne comprends pas pourquoi ils sont là pour moi. Ils m'expliquent qu'un mois après avoir quitté le domicile de mes parents, ma mère a fait une main courante pour signaler que j'étais parti. Étant mineur, je n'ai pas le choix, je dois suivre les policiers. Je leur raconte tout, je me sent mal, j'ai l'impression d'être coupable de quelque chose, alors que je ne suis qu'une victime. Ces moments furent très difficiles à vivre pour moi. Là, on m'explique qu'étant mineur, on doit appeler ma mère pour l'interroger. Elle vient et minimise un maximum les faits, je n'ai pas envie de retourner chez mes parents, pas envie de voir ma mère, après tout ce que j'ai enduré pendant un an, il m'est insupportable de l'entendre.
Après appel au procureur de la République et au vu de tous les témoignages, je suis placé six mois dans un foyer. Jour "J", ça y est, c'est le jugement, j'ai peur de voir mes parents, peur de la décision du juge. Mes parents passent les premiers, et, une fois de plus, minimisent leurs actes, ils disent qu'ils n'ont rien à se reprocher, qu'ils n'ont rien fait de mal et qu'ils sont de bons parents. Voyant ma détresse, le juge me prend à part et m'écoute, puis il décide de me maintenir en foyer. J'essaye de me reconstruire, d'avancer, de reprendre confiance en moi, mais c'est très difficile, je ne me sens pas à ma place ici.
Un jour, sur les réseaux sociaux, je découvre "Le Refuge", je tombe par hasard sur le profil de Nicolas Noguier, je décide de lui envoyer un message, il me répond très rapidement, m'écoute, me rassure, m'apaise, il me met en relation avec Céline, une des CESF (Conseillers en Économie Sociale et Familiale, Ndlr) du Refuge, qui me propose un cours séjour d'une semaine dans l'une des délégations l'association. Depuis ce jour, à chaque vacances, j'y retourne une semaine. Merci au Refuge de m'avoir tendu la main, j'apprécie chaque instant passé là-bas, personne ne me juge, j'y suis aimé, écouté, compris, on m'y apporte ce que jamais personne ne m'avait apporté auparavant, vous avez tous une place dans mon cœur. Il faut encore que j'apprenne à aimer mon corps, à m'aimer, tout simplement, grâce à vous, je sais que je ne serais plus jamais seul, grâce à vous, je peux enfin avancer et bâtir ma vie".
(*). Le prénom a été changé pour assurer le bien-être et la sécurité de ce jeune garçon accompagné par Le Refuge.