La Chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon épingle 15 communes du littoral
Par nicolas éthèvePublié le
La Chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon a décidé de s'intéresser à la gestion d'une quinzaine de stations du littoral, incluses dans le périmètre d’intervention de la « mission Racine », une mission interministérielle d’aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon créée en 1963 et ainsi dénommée en référence à Pierre Racine, le conseiller d’État qui l’a mise en place, puis dirigée.
Cette « mission Racine » est à l’origine de la plupart des grands équipements touristiques actuels de ce littoral. Pas étonnant donc, que les magistrats de la Chambre aient décidé d'examiner de près ces communes* du Languedoc-Roussillon, une région qui reste « la quatrième destination touristique française après les régions Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte-d’Azur et Rhône-Alpes, avec 15 millions de touristes accueillis (dont un tiers d’étrangers) et 102 millions de nuitées réalisées en 2010, principalement dans les communes balnéaires ».
Ce sont « les caractéristiques originales de ces communes et les difficultés de gestion particulières qu’elles rencontrent » qui « ont conduit la chambre régionale des comptes du Languedoc-Roussillon à examiner la gestion d’une quinzaine de stations du littoral », souligne le rapport présenté hier devant la presse et rendu public ici.
Un « double constat » ressort en préambule de ce rapport de la Chambre des comptes : « ces communes bénéficient, certes, d’une relative aisance financière, mais elles ont souvent du mal à maîtriser les activités liées au développement touristique, qu’il s’agisse de faire respecter les règles d’urbanisme ou de la gestion des plages, des ports de plaisance et des casinos ».
« Des règles d'urbanisme fréquemment transgressées »
Au tableau « des règles d'urbanisme fréquemment transgressées », la Chambre évoque d'une part le cas des « constructions d'habitations légères - « cabanes » ou « mobil home » érigés au rang d'habitat « sans permis » et donc « sans recettes fiscales » - et, d'autre part, la problématique des constructions en zones inondables.
« Selon la préfecture de la région Languedoc-Roussillon, plus de 3 500 cabanons et « mobil homes» occupent, à Vias, une superficie d’environ 200 hectares étalée sur 3,5 km, souligne notamment la Chambre régionale des comptes. Un rapport de la mission d’appui au préfet de la région Languedoc-Roussillon de mai 2009 précise que ''Vias représente la concentration de constructions illégales la plus importante sur le littoral méditerranéen, et peut-être même en France''. Le chiffre de 20 000 personnes fréquentant cette zone a été avancé. Selon la sous-préfecture de Béziers, le nombre de résidents permanents y serait de l’ordre de 400 personnes, mais un recensement précis de cette population reste encore à établir ».
Au chapitre des constructions en zones inondables, la Chambre rappelle la législation en vigueur avec la loi Barnier qui a créé en 1995, les plans de prévention des risques naturels (PPR). Et souligne que « dans certaines communes balnéaires, comme celle du Grau-du-Roi, le plan de prévention des risques d’inondation n’a toujours pas été adopté, alors même qu’une partie importante de leur territoire se situe dans des zones potentiellement exposées ». Plus grave encore, « ces communes continuent parfois à délivrer des permis de construire dans des zones à risques importants. D’autres communes s’affranchissent plus ou moins des prescriptions de leur plan de prévention, lorsque celui-ci existe ».
« Ainsi, à Gruissan, d’anciens chalets, initialement construits en bois et sur pilotis dans une zone inondable, ont été progressivement transformés en commençant par les rez-de-chaussée pour être finalement en totalité rebâtis en dur, note le rapport de la chambre. Il s’ensuit une aggravation des risques de submersion et des violations des prescriptions du plan de prévention des risques naturels inondations, arrêté en juin 2003 ».
Le mauvais exemple du Moulin des Evêques
Du côté d'Agde, « l’opération de réhabilitation du Moulin des Evêques, réalisée par la commune d’Agde, [dirigée par le député-maire UMP Gille d'Ettore, Ndlr] a fait peu cas des prescriptions du plan de prévention des risques naturels, regrettent les magistrat de la Chambre. Situé sur le lit de la rivière Hérault, non loin de son embouchure sur la mer, ce projet immobilier visait à créer des parkings, une salle polyvalente et des logements sur une ancienne friche industrielle. Le règlement du plan de prévention d’Agde n’autorise pas de constructions nouvelles dans les zones classées « RU1 ». Les modifications de constructions et d’ouvrages existants sont, elles, admises dès lors qu’il n’y a pas de changement de destination, ou si le changement est de nature à réduire la vulnérabilité du bâtiment et améliore la sécurité des personnes. Il n’est cependant pas autorisé de créer des logements supplémentaires ; le niveau des planchers doit correspondre au minimum à la cote des plus hautes eaux connue (généralement le niveau atteint par la crue centennale), et l’utilisation du sol pour toutes constructions à caractère vulnérable, telles qu’une école, une crèche, un établissement sanitaire ou recevant du public une installation classée, est interdit. Or, le bâtiment réceptionné en juin 2010 n’a conservé de l’ancienne construction que les murs et la cheminée, classés à l’inventaire des monuments historiques. L’aménagement a permis de créer un parking clos inondable en rez-de-chaussée, un établissement recevant du public au premier étage (salle polyvalente), dix appartements de standing aux deuxième et troisième étages (au lieu des trois existant précédemment), ainsi qu’un nouveau bâtiment d’une surface de 94 m² permettant l’accès à la salle polyvalente ».
Des « activités touristiques souvent mal maîtrisées »
Le rapport ne s'arrête pas là. Il se poursuit ensuite en épinglant au cours d'un long chapitre les « activités touristiques souvent mal maîtrisées » que représentent les concessions de plages, les ports de plaisance et les casinos. Avec notamment, pour ne parler ici que du problème des plages, l'observation d'une insuffisante ouverture à la concurrence des procédures de renouvellement des concessions et l'analyse des importants écarts relevés « entre le montant des redevances perçues auprès des exploitants de plages, les chiffres d’affaires réalisés et les dépenses engagées par les communes ».
« Ainsi, à Palavas-les-Flots, déduction faite du montant des redevances domaniales versées à l’État, les sous-concessions de plage n'ont rapporté à la ville, avant frais d’entretien, qu’environ 97 900 € en 2009 », souligne notamment la Chambre régionale des comptes. Un montant « à comparer avec le chiffre d’affaires global, de 1,42 M€, déclaré la même année par les plagistes », qui s'avère « sans proportion avec les dépenses engagées par la commune pour la gestion de l’ensemble de ses plages », en termes de fonctionnement (330 000 €, dont 225 000 € de charges de personnel et 58 000 € au titre de la sécurité), comme en terme d'investissements (289 000 € dont 117 000 € pour les apports de sable destinés à maintenir la capacité d’accueil des plages et 151 000 € d’immobilisations corporelles, liées pour partie à la sécurité).
Neuf recommandations
En conclusion de son rapport, la Chambre régionale des comptes préconise neuf grandes recommandations, parmi lesquelles le renforcement de « la surveillance des services de l’État sur le délai d’approbation des plans de prévention des risques naturels prévisibles » et l'intensification de la « vigilance » des communes « sur les constructions illicites ». Elle invite également « les maires à mettre en œuvre plus systématiquement leurs
pouvoirs de police en cas d’abus des exploitants de plages, à assurer un meilleur contrôle sur les concessions de plages en exigeant des rapports détaillés de la part des exploitants, et à réviser le mode de calcul des redevances dans un sens plus favorable aux commune ». Idem vis-à-vis des ports de plaisance qui doivent être assujettis « au respect du budget annexe » et aux « impôts commerciaux », tandis que les gérants de casinos doivent produire des « rapports d'activités permettant de vérifier le respect de leurs obligations en matière d’investissement ou d’animation ».
N.E
(*). Les 15 communes examinées par la chambre régionale des comptes sont : Gruissan, Port-la-Nouvelle et Leucate/Port-Leucate, dans l’Aude ; la commune du Grau-du- Roi/Port Camargue, dans le Gard ; les communes de Sète, d’Agde/Le cap d’Agde, de Balaruc-les-Bains, de Mauguio/Carnon, de Frontignan, de La Grande-Motte, de Palavas-les-Flots et de Vias, dans l’Hérault ; les communes d’Argelès-sur-Mer, du Barcarès et de Canet en Roussillon, dans les Pyrénées-Orientales.