Algérie : Le général GaÏd Salah engage un bras de fer avec le peuple

« Gaïd Salah dégage ! » le général, vice-ministre de La Défense et chef d’Etat-major, est à son tour la cible des manifestants Algériens qui battent le pavé par millions chaque vendredi dans les grandes villes et jusque dans les coins les plus reculés du pays pour une rupture radicale avec un régime totalitaire et corrompu.

Bouteflika sorti par la petite porte, Gaïd Salah est subitement devenu l’homme fort de l’Etat. Ses premiers discours hebdomadaires, mielleux et enrobés d’une superbe langue de bois, sacralisent les relations entre l’armée et le peuple. Les Algériens y croient. Ils s’attendent à le voir accompagner le mouvement populaire sur le chemin d’une deuxième République. A l’entendre saluer le caractère pacifique de la contestation, reconnaître même la légitimité des revendications, ils espèrent être débarrassés au plus vite des résidus du pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika encore aux commandes.

Que nenni ! Après le 12ème vendredi de formidables rassemblements, voici venue l’heure de la désillusion. La réalité est amère.

Passés la courte phase des beaux discours, Gaïd Salah adopte d’abord une stratégie de diversion. Il réactive une Justice jusque-là endormie pour une lutte urgente contre la corruption. Il fait jeter au cachot les oligarques qui traînent des casseroles, y compris le moins suspect d’entre eux, l’industriel Issad Rebab. L’objectif évident est de refroidir le « Hirak ». Peine perdue, les Algériens continuent à « vendredir » massivement.

Qu’à cela ne tienne, le général ne désarme pas. Il durcit le ton. Fini les belles paroles sur les relations historiques avec le peuple, sur sa noblesse. Le chef d’Etat-major passe à la stratégie de la terreur en brandissant le spectre de la menace sur l’armée. Il règle ses comptes avec des comploteurs désignés « contre l’autorité militaire et contre l’Etat » : Said Bouteflika et les deux ex-patrons des renseignements. Ils dorment à présent en prison.

Dans la foulée, il fait également embastiller Louisa Hanoune dirigeante du Parti des Travailleurs (PT). On lui reproche de supposées relations étroites avec ces conspirateurs. Mais c’est en réalité son offensive politique contre le général que l’on veut surtout neutraliser. Hanoune dénonce à haute voix un scénario à l’Egyptienne, elle appelle à y faire barrage en poursuivant la mobilisation.

Sournoise, mais non moins évidente, la stratégie de la terreur se confirme sur le terrain. Les gendarmes bloquent l’accès à la capitale les jours de manifs. Les policiers sont à deux doigts de réprimer. Les agents en civils sont de plus en plus agressifs. Le climat est tendu lors des rassemblements. Une chose est sûre : les troupes sont suspendues à des ordres qui pourraient tomber par surprise.

En fait, le général Gaïd Salah engage désormais une épreuve de bras de fer avec le peuple algérien. Son objectif est de briser l’élan du mouvement, de passer en force pour parvenir à imposer les élections présidentielles programmées le 4 juillet prochain.

En première ligne d’un courant dominant au sein de l’armée, il nourrit un triste dessein pour l’Algérie : instaurer un régime autoritaire sous couvert d’une démocratie en façade. Un modèle proche de la Turquie d’Erdogan, imposé à la manière de l’Egyptien Abdel Fattah Al Sissi.

La bourgeoisie islamiste qui s’est engraissée sous l’ère Bouteflika apporte discrètement son soutien à Gaïd Salah ami des Emirats arabes et de l’Arabie Saoudite.

Mais encore faut-il, à tout ce beau monde, pouvoir étouffer les cris de colère et d’espoir mêlés de millions d’Algériens. Le cours de l’histoire de l’Algérie se joue dans la rue et sûrement pas dans les cabinets feutrés de l’Etat-major.

La partie est loin d’être gagnée mon général.