Banques : hautes tensions entre le Crédit Mutuel et le groupe Arkéa !
Par nicolas éthèvePublié le
Depuis le 23 mars, les 331 caisses locales du Crédit Mutuel Arkéa sont appelées à dire par un vote si elles souhaitent quitter la Confédération Nationale du Crédit Mutuel (CNCM) ou non. Confiant sur le processus démocratique en cours, Ronan Le Moal, directeur général du groupe Arkéa dénonce les pressions exercées sur le vote en cours. Zoom !
Le Crédit Mutuel (CM) en France, c'est 18 fédérations régionales réunies par une loi en 1958 sous une association, la Confédération Nationale du Crédit Mutuel (CNCM). Il faut remonter en 2014 pour comprendre la situation actuelle où 331 caisses locales du groupe Arkéa doivent maintenant choisir entre ces deux scénarios : rester dans le giron du Crédit Mutualiste ou s’en émanciper complètement. C’est en effet en 2014, que la CNCM a décidé d’engager un processus de centralisation du CM.
L’inquiétude de la concentration
Problème : cela inquiète beaucoup, du côté du groupe Arkéa, ce processus pouvant avoir de grandes conséquences. Tant au niveau de la conservation de l’autonomie des décisions stratégiques, autonomie inscrite dans l’ADN historique de la CNCM, qu’au niveau des conséquences pour l’emploi, dans le groupe Arkéa.
« Si ce processus de concentration aboutissait, le groupe Arkéa serait piloté depuis Paris par un grand ensemble, cela en serait fini de notre autonomie et cela aurait des conséquences directes sur les emplois, tous les emplois en doublons, au siège social comme au service informatique par exemple, et toutes les filiales qui sont en concurrence directe, telles que Suravenir et Financo, explique Ronan Le Moal au micro de Médiaterranée. C'est pourquoi le groupe Arkéa est aujourd'hui engagé dans une démarche d'indépendance pour sortir du Crédit Mutuel et c'est aussi le sens des votes qui se tiennent actuellement au sein des fédérations de Bretagne et du Sud-Ouest. Quelques agences du Massif Central ont également voté semaine dernière en faveur de l'indépendance. »
En effet, trois fédérations (Bretagne, Sud-Ouest et Massif Central), ainsi qu'une trentaine de filiales, sont également réunies autour d'Arkea, dont la présidence est assurée par Jean-Pierre Denis.
Un processus démocratique
Si le directeur général Ronan Le Moal est confiant dans l’issue du vote en cours pour l’indépendance, il s’inquiète grandement des pressions exercées ici ou là, ; il s’insurge aussi de la tentative de contestation des résultats du vote en cours, contestation qui revient à nier l’espression démocratique de plusieurs milliers d’administrateurs ; vote qui s’achèvera à la mi-avril. Il y a de quoi, avec, comme dernier exemple en date, le communiqué publié ce mercredi 11 avril par le Groupe Crédit Mutuel où il est écrit ceci, alors que les votes sont en cours depuis maintenant quelque trois semaines :
« La Confédération Nationale du Crédit Mutuel condamne le processus de consultation actuellement mené par le Crédit Mutuel Arkéa et ne pourra considérer son résultat comme valide. »
Il y avait un précédent. Dans une lettre datée du 23 mars, Pascal Durand, Directeur général des Caisses de Crédit Mutuel du Massif Central avait également affirmé que "le vote n’aurait aucune portée juridique" et surtout, pour ne pas dire, pire, que "les dirigeants de la caisse locale (voire la caisse elle-même) s’exposeraient à des sanctions disciplinaires prises par la fédération".
Suite au communiqué de presse diffusé hier par la Confédération Nationale du Crédit Mutuel, le groupe Arkéa a répondu dans la foulée, par la même voie :
« La position exprimée, ce jour, par la Confédération Nationale du Crédit Mutuel, s’apparente à un déni de démocratie alors même que le vote engagé par les 331 caisses locales du groupe Arkéa est toujours en cours, qu’il s’effectue dans le strict respect des statuts, sur la base d’un dossier complet remis aux caisses en amont de la consultation, après la tenue de débats libres et éclairés auxquels le directeur général de la CNCM s’est lui-même associé et qu’aucun incident n’est survenu à ce jour.
Cette position est d’autant plus choquante que le vote s’inscrit dans le droit fil des propositions formulées par le président de la CNCM lors du Conseil d’Administration du 11/10/2017.Ce refus de reconnaitre le vote des caisses locales est contraire aux fondements mêmes du mutualisme qui reposent, notamment, depuis toujours sur le principe une personne, une voix et sur l’autonomie des caisses locales. Le vote se poursuivra jusqu’à mi-avril, les résultats seront annoncés à l’issue des conseils d’administration des fédérations le 18/04. »
"Nous sommes dans un processus démocratique, souligne Ronan Le Moal, qui s’articule autour d’un vote qui respecte en tous point les statuts de nos caisses locales. Dans un groupe mutualiste : ce sont les caisses locales qui sont les propriétaires, les actionnaires, c'est à elles et à elles seules de décider de leur avenir".
Pour Ronan Le Moal, l’une des raisons qui expliquent pourquoi la CNCM essaie de contester le processus démocratique en cours, réside notamment ici :
« 11 fédérations sont regroupées autour du CM11-CIC, le groupe dominant de Strasbourg dirigé par Nicolas Théry qui en est le président et préside également aux destinées de la CNCM, il y a clairement un conflit d’intérêt ».
Si les résultats des votes s’avèrent en faveur de l’indépendance et que les caisses locales du Crédit Mutuel Arkéa quittent le CM, le nouveau groupe aura un nouveau nom. Un nouveau nom qui fera lui aussi écho à l’esprit mutualiste que les dirigeants du groupe ne souhaitent pas abandonner, bien au contraire. Comme ils souhaitent poursuivre, toujours en toute indépendance, avec tous leurs salariés, leur développement stratégique, notamment dans le secteur de l'écosystème numérique où Arkéa a fait le choix d’investir fortement ces dernières années. A suivre !
Le groupe Arkéa en chiffres
- Un total de bilan de 125 Md€ au 30/06/2017
- 6 milliards de capitaux propres
- Le ratio de solvabilité le plus élevé de la Place bancaire française (CET1 16.9% au 30/06/2017)
- 4 millions de clients
- Un résultat net multiplié par près de 7 depuis 2008 (336 M€ au 31/12/2016)
- Des effectifs en hausse de 25% depuis 10 ans