"Les Pieds-Noirs à la mer", un livre de Fred Neidhardt
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1962 : un million de pieds-noirs quittent l’Algérie. Parmi eux, les grands-parents de Daniel, le narrateur, qui refont leur vie à Marseille.
Marseille, années 80 : l’époque de Touche pas à mon pote, la Marche des Beurs…
La trame narrative est un savant mélange entre souvenirs réels et fiction réaliste. Les protagonistes sont inspirés de personnes existantes ou ayant existé.
Bien au-delà des modèles manichéens, les personnages, enfermés dans une dualité, sont à la fois attachants et détestables.
Le grand-père antisémite a épousé une Juive. La grand-mère Séfarade déteste les Algériens mais parle arabe depuis toujours. Daniel doit naviguer entre l’amour pour sa famille et un discours de haine qu’il réprouve. Une haine qui prend corps au cœur même de la famille : le cousin va se marier avec une Arabe !
Daniel va tenter de réconcilier la famille éclatée. Mais attention, terrain miné ! Colère et secrets de famille vont remonter à la surface…
« Merci de décrire cette absurdité des familles où chacun a un mot raciste à la bouche mais où les gosses se prennent une baffe quand ils disent quoi que ce soit de raciste » écrit Joann Sfar dans sa préface.
A travers cette chronique familiale empreinte des événements passés de l’histoire contemporaine, Fred Neidhardt étudie, avec finesse et un zeste d’humour, les rouages du racisme, ses contradictions, ses paradoxes, les poussant à l’extrême souvent jusqu’à l’absurde. La nostalgie et les rancoeurs émaillées de bons sentiments des uns, les clichés emmagasinés depuis plusieurs générations des autres donnent lieu à une réflexion en résonance avec l’époque actuelle, ses fractures sociales, ses peurs, ses incompréhensions intra-communautaires..
Le titre de l’album fait directement référence aux banderoles placées sur le port de Marseille l’été 1962 pour « accueillir » les pieds-noirs.
Le trait est vif, enlevé et foisonne de détails. Les personnages sont mi-humain, mi-animal, une habitude de narration chez Neidhardt, pour donner une distanciation par rapport aux personnes et aux situations.
Auteur d’autofictions en bandes dessinées, Fred Neidhardt conjugue souvenirs personnels avec une trame narrative libre (Pattes d’eph & Col Roulé, La Peur du Rouge …). Ses planches paraissent également dans la presse jeunesse (Spirou, Pif, Les P’tites sorcières…). Par ailleurs, il se distingue par son goût pour le canular : farceur professionnel (pour L’Echo des Savanes et Salut les Terriens), il a défrayé la chronique en jouant le faux témoin dans de nombreuses émissions télé (Ça se discute…).
Comédien occasionnel, il apparaît dans les films de Riad Sattouf : Les Beaux gosses, Jacky au royaume des filles.