Algérie: le général Gaïd Salah règle-t-il des comptes ?
Par N.TPublié le
Près d’une centaine d’organisation de la société civile dévoile samedi 15 juin une « feuille de route pour sortir le pays de la crise ». Elles proposent la désignation d’une personnalité nationale ou d’une instance présidentielle consensuelles pour diriger la période de transition «aux fins de revenir au processus électoral dans une période allant de six mois à une année».
Elle propose également la désignation d’un gouvernement de compétences nationales pour gérer les affaires courantes, ainsi que la création d’une instance indépendante pour l’organisation des élections qui aura à « proclamer les résultats et garantir les mécanismes de supervision ». La société civile appelle aussi à l’ouverture d’un dialogue national global avec les « dynamiques de la classe politique, des personnalités nationales et des animateurs du hirak (mouvement), à propos de la situation politique, économique et social du pays pour sortir avec des moyens de régler la crise». En attendant, l’opinion assiste à un défilé sans précédent d’oligarques et d’hommes politiques devant la Justice.
Le chef d’état-major Gaïd Salah, seul maître à bord du navire Algérie, prend les manifestants au mot de corruption. Il ouvre un front et y lance une bataille sans merci. Son tableau de chasse est impressionnant. Les dernières prises en date sont les deux Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelkader Sellal. Ils dorment provisoirement à la légendaire prison d’El Harrach de la capitale. Le premier depuis le 12 juin « pour des faits punis par la loi relative à la conclusion de marchés publics et de contrats contraires à la réglementation et les lois en vigueur », précise dans un communiqué la Cour suprême devant laquelle il a comparu. Le second est incarcéré depuis le 13 juin. Il est poursuivi « dans des affaires concernant la dilapidation des deniers publics, d’abus de fonction et d’octroi d’indus privilèges », indique brièvement l’APS, agence officielle de presse. Celui qui fut son ministre du commerce, Amara Benyounès, également fondateur et dirigeant d’un parti allié au clan Bouteflika (Mouvement Populaire Algérien) le rejoint en détention provisoire le jour même, dans l’après-midi.
Les partis politiques aphones...
Des ex-ministres sont placés sous contrôle judiciaire, interdits de sortie du territoire. Une douzaine de hauts responsables des précédents gouvernements attendent de comparaître en justice. Tous pour « octroi d’avantages aux tiers dans le cadre des marchés publics et contrats, gaspillage de l’argent public, mauvaise utilisation de la fonction et conflits d’intérêts ». Des biscuits accordés à des oligarques dont les fortunes, indécentes, sont amassées dans des temps record. Le plus en vue, Ali Hadad, magnat des Travaux publics, ex-patrons des patrons, vient d’être condamné à 6 mois de prison ferme. Mahiedine Tahkouk, concessionnaire de la marque automobile sud-coréenne Hyundai, son fils et ses deux frères, sont également incarcérés. Issad Rebrab, PDG du groupe alimentaire Cevital est quant à lui en détention provisoire depuis le 22 avril. « Depuis, son projet d’implantation d’une usine sur le site PSA de Charleville-Mézières avance au ralenti », annonce, dimanche 16 juin, la radio France Bleue.
Gaïd Salah ne fait pas que la chasse au corrompus et corrupteurs. Il fait aussi des prises plus « politiques » qui alimentent des débats interminables et nourrissent moult rumeurs et scénarios. Après Said Bouteflika, deux ex-patrons des Renseignements et la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, accusés de complot contre l’armée, c’est au tour d’Ali Ghederi, général à la retraite, candidat surprise au scrutin présidentiel avorté du 18 avril dernier. Il est placé sous mandat de dépôt le 13 juin. Ont lui reproche « la participation à la fourniture à des agents de pays étrangers d’informations qui portent atteinte à l’économie nationale, et la participation en temps de paix à un projet visant à porter atteinte au moral de l’armée dans le but d’affaiblir la défense nationale ». Du lourd.
L’Algérie est toujours ainsi dans une incroyable impasse politique. Les partis politiques demeurent aphones. Ils enregistrent une audience ridicule quand ils peinent à s’exprimer. La véritable bataille se joue entre l’armée et la population civile. L’enjeu de toujours.