La disparition de Warda Al-Jazaïria a suscité une grande émotion dans le monde arabe. (DR)

Le monde arabe pleure Warda Al-Jazaïria, « La Rose Algérienne »

Décédée jeudi dernier au Caire à l'âge de 72 ans, la célèbre cantatrice d’origine algérienne a suscité une grande émotion mêlée de nostalgie d’un monde arabe qui regagne peu à peu les placards de l’Histoire. Warda Al-Jazaïria sera inhumée samedi 19 mai dans l’après-midi au cimetière Al-Alia à Alger.

Des centaines d'Algériens, essentiellement des femmes, lui ont rendu un dernier hommage au Palais de la Culture d'Alger. Le cercueil était entouré de femmes de la Protection civile.

Warda al-Jazairia est née à Puteaux, Paris, en juillet 1940, d’un père algérien, Mohammad Ftouki, et d’une mère libanaise de la famille Yammout.

Elle a commencé à chanter très jeune au Tam-tam, un établissement du Quartier latin appartenant à son père et s’est ensuite fait connaître pour ses chansons patriotiques algériennes qui finiront par la contraindre de quitter la France pour Beyrouth en 1958.

Le quotidien Libanais l’Orient le Jour lui consacre un long article sous la plume de Maya Ghandour Hert.

« Une rose de l’espèce des «cœurbivores», elle a souvent été comparée à la géante Oum Kalsoum. Mais la discrète réfutait toute ressemblance, aussi honorifique soit-elle, et revendiquait son droit à « être moi-même, tout simplement », décrit la journaliste.

« Elle apparaissait, sur scène ou devant les journalistes, la main sur le cœur (ce cœur si gros qu’il l’a lâchée, finalement) prés duquel elle avait suspendu, en médaillon, une prière «Macha’Allah» et un œil pour conjurer le mauvais sort. Car la vie n’a pas été très tendre avec la diva du monde arabe. Côté santé, d’abord, avec deux grosses opérations au cœur et au foie l’ayant éloignée un certain temps de la scène. Mais aussi sur le plan de la vie privée qui «clashait» parfois avec les exigences d’une carrière internationale », raconte Maya Ghandour Hert, avant de revenir sur les différentes étapes de la carrière de celle qui laisse un grand vide dans le monde de la chanson arabe.

Nasser, Boumediene et Bouteflika…

« Avec sa voix chaude et vibrante, sans oublier son engagement pour la cause algérienne, elle commence à se faire un prénom. Deux rencontres vont lui ouvrir, dès 1959, les portes du Caire. La première aura lieu au Tanios, le fameux «casino» de Aley. Deux soirs d’affilée, un visiteur de marque vient l’écouter. Flairant le talent de la jeune femme, le compositeur Mohammad Abdel Wahab la prend sous son aile et l’initie au chant classique. Il met en musique pour elle une «qassida » du «prince des poètes», Ahmad Chawqi, Bi-omri kullo habbetak. Premiers succès.

Helmi Rafla, célèbre réalisateur de comédies musicales, vient en personne lui faire signer un contrat. Elle tournera sous sa direction Amirat al-Arab et al-Maz, qui font d’elle la coqueluche des Cairotes. Puis c’est au tour du compositeur exclusif d’Oum Kalsoum, Riad al-Sombati, de lui ciseler le bijou La’bat el-ayyam.

Vers la fin des années 50, elle chantera devant Nasser, qui la reçoit en tant qu’ambassadrice de la cause algérienne. En 1962, elle décide de rejoindre la patrie qu’elle n’a jamais vue et interrompt sa carrière artistique. Un jour de 1972, le coup de téléphone d’un fan pas comme les autres va être à l’origine de son come-back.

Houari Boumediene veut qu’elle donne un récital pour le 10e anniversaire de l’indépendance du pays. Ce qu’elle fait, accompagnée d’un orchestre égyptien. Suite à cela, son mari demande le divorce; c’est ainsi qu’elle décide de consacrer sa vie à la musique. Elle retourne ensuite au Caire où elle épouse en secondes noces Baligh Hamdi, le compositeur attitré des dernières années d’Oum Kalsoum.

Dans les années 90, le jeune compositeur Salah Charnoubi la propulse également au sommet avec Batwannès bik et Haramt ahibbak. En 1994, elle est montée sur la scène algérienne dans une mise en scène de Caracalla pour fêter le 50e anniversaire du début des combats. À cette occasion, Bouteflika lui avait octroyé l’ordre du Mérite national »