Monde arabe : le printemps des désillusions...
Par N.TPublié le
En Egypte, le maréchal Tantawi, chef du Conseil suprême de l’armée, à la tête de l’Etat depuis la chute de Hosni Moubarak, doit se friser la moustache à l’heure qu’il est, et les officiers supérieurs se caresser la bedaine… L’institution n’a rien à craindre de l’issue du second tour des présidentielles.
La partie se joue désormais entre le général à la retraite, Ahmed Chafik, dernier premier ministre du Raïs déchu et le Frère musulman Mohamed Morsi, candidat du Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), qui arrivent au coude-à-coude.
Le premier veillera naturellement à la tranquillité des affaires de l’armée, préservera sans rechigner son emprise sur l’économie, ne touchera pas au budget faramineux qui lui est alloué, assurera la prolongation de carrière des officiers aux postes clés de la Fonction publique et des ministères… Ce sera le changement dans la continuité espérée.
Le deuxième se pliera sûrement sans résistance aux arrangements entre la branche politique de son camp et les militaires. Ces derniers fixeront les lignes rouges à ne pas dépasser sur le terrain d’une démocratie de façade et laisseront les Frères savourer un pouvoir qu’ils attendent depuis des décennies. Les militaires sont convaincus qu’ils vont vite s’user dans cette épreuve, provoquer un désenchantement dans la population et retourner vendre le paradis auprès des couches misérables de la société égyptienne.
Les luttes se sont considérablement affaiblies...
L’armée tire ainsi son épingle du jeu après avoir contenu et brisé l’élan révolutionnaire de la place Tahir. Le chantage au chaos a semé la peur et conditionné le choix d’une majorité des électeurs, désormais prêts à s’en remettre aux caciques de l’ère Moubarak ou à tenter l’aventure islamiste.
Les «forces vives» dont principalement la jeunesse, n’ont fait qu’ébranler le régime dictatorial. L’Egypte n’échappe pas à cette malédiction qui frappe la démocratie naissante dans les pays arabes. Celle-ci n'arrive pas à éclore. Partout, les luttes auréolées d’un "printemps" symbolisant le renouveau et l’espoir, se sont considérablement affaiblies.
En Tunisie, le pouvoir peine à soutenir les démocrates confrontés à la montée des islamistes intégristes; au Maroc, l’opposition s’accommode des concessions offertes par le souverain et la contestation s’épuise; en Algérie, les partis au pouvoir ont tiré profit de l’abstention pour conserver la majorité au parlement, syndicats et associations restent interdits d’expression publique, les atteintes aux libertés se multiplient et la corruption s’est enracinée dans toutes les strates de la société. Au Yémen et à Bahreïn, les révolutions se sont tristement écrasées, sous l’œil indifférent de la Communauté internationale; en Libye, le Conseil national de transition tente d’éviter un déchirement de la société sous pression des luttes tribales et de clans puissamment armés; en Syrie, assuré du double soutien russe et chinois Bachar Al-Assad commandite des actes d'assassinats collectifs sur les populations qui contestent son régime et menace d’embraser toute la région...
Partout, le « printemps arabe » s’est ainsi abîmé dans la désillusion et a besoin d'un souffle nouveau, ainsi que d'un soutien plus ferme et plus concret de la Communauté internationale qui se contente pour l'instant de palabres et de déclarations de principe.