"Une histoire compliquée pour les femmes", selon Farida Belkacem (DR)

Regards croisés sur l'Islam en Europe

Quelles questions la religion musulmane suscite-t-elle dans les sociétés européennes? Le débat est certes récurrent et ses dimensions nombreuses, mais sans doute était-il incontournable dans la thématique de cette 18ème dimension des Rencontres d'Averroès: "l'Europe et l'Islam: la liberté ou la peur?"

Des regards croisés de chercheurs français, allemand et danois ont apporté matière à débat devant une salle qui s'est montrée très réactive, confirmant l'intérêt pour une thématique qui défraie régulièrement la chronique.

Sans surprise, la question du port du voile ne manquera pas de rebondir à plusieurs reprises et sous plusieurs angles. "Une histoire compliquée pour les femmes", rappellera d'emblée Farida Belkacem, Chercheur à l'IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques), jugeant que dans bien des cas, il s'agit pour les concernées "d'une façon d'exister" et "d'un choix assumé, malgré les difficultés que cela entraîne". Admettons, "mais comment expliquer le port du voile imposée à des fillettes de sept ans?", réagira-ton dans la salle, recentrant ainsi le débat sur le poids de la contrainte et des dérives obscurantistes.

Ces situations existent, mais elles n'en restent pas moins marginales, tout autant que le port de la fameuse burqa, que déplore par ailleurs "une majorité de musulmans" rappellera la chercheuse. Et peut-être, "vaut-il mieux mettre l'accent sur les problèmes sociaux vécus par les populations des quartiers plutôt que sur un bout de tissu", martèlera Farida Belkacem.

Selon cette dernière, on assiste en France "à une banalisation du discours anti-Islam", cette religion aurait ainsi une "connotation négative", notamment sous la pression du Front National "qui s'est accaparé toutes les questions susceptibles de semer l'inquiétude".

Pour contrer un tel discours, il n'est pas mieux que d'œuvrer à la "reconnaissance mutuelle", autre sujet qui fera pertinemment réagir la salle. "On a gagné quand tout cela devient banal à la faveur de manifestations qui rassemblent", insistera une intervenante. Ce qui se passe à Marseille est de ce point de vue "exemplaire" expliquera-telle, citant nombre d'initiatives associatives, dont la diffusion de films arabes (Aflam) et l'Aïd dans la Cité...La salle approuvera par des applaudissements et saluera également la remarque de l'allemande Margareta Spohn, en poste au département des affaires interculturelles de Munich. "La reconnaissance mutuelle passe aussi, et surtout, par l'accès au logement, au travail...", complètera-t-elle.

La salle toujours, ne cessera pas d'enrichir le débat, en particulier à travers des interventions de professionnels de l'Education. L'un d'eux, chef d'établissement, interpellera l'assistance sur "l'amalgame courant entre une pratique religieuse et des enjeux intégristes". Question: "que fait-on pour gagner le combat de la tolérance, notamment par la valorisation de la culture musulmane?" lancera-t-il. Autre piste de réflexion et pas des moindres: le souci d'une "pédagogie de la laïcité" afin de placer des garde-fous, d'éviter qu'elle ne vire trop vite à "l'islamophobie".

Cette deuxième table ronde, animée par Florian Delorme de France Culture, aura réussi à soulever un éventail des questions clé que pose la pratique de la religion musulmane en Europe, sans jamais susciter de controverses passionnées. Un débat serein à l'image des Rencontres d'Averroès.