Théâtre : Combat, un regard sur ces vies de cité déchirées, dans les quartiers nord de Marseille ou d’ailleurs
Par Nadjib TOUAIBIAPublié le
Au commencement, il y a cette obscurité à la fois apaisante et incertaine dans un décor spartiate. Le temps est suspendu. Un lit de camp, un lavabo et… une batterie, présence insolite. Un éclairage lève le voile sur un homme, seul, assis puis allongé, plongé dans des pensées ou dans un mauvais rêve, on ne sait pas. Subitement, un cri déchire le silence, un appel au réveil, un rappel au retour, et vite, dans le réel.
L’homme se dresse avec énergie et, progressivement, sur le ton de la confidence, de la colère, d’un humour de circonstance, dont on devine qu’il se serait bien passé, se livre à un monologue rythmé par une percussion envoûtante qui nourrit la force de sa parole, accompagne sa tristesse, le console de ses regrets, de ses frustrations, de ses blessures… À aucun moment, elle ne l’abandonne, car lorsqu’il lui arrive de se taire, son monologue laisse place à une chorégraphie captivante. Les gestes et les jeux de jambes de cet homme seul balayent le silence avec une harmonie inspirante. Elle nous promène dans son univers, on y reste et on libère son imagination. « C’est un moment de respiration », commentera une spectatrice.
De la petite délinquance à la voie du pire…
Le comédien Belkacem Tir sort ces mots-là de ses tripes. Il déroule en cascade le récit d’un enfant d’immigrés algériens venus à Marseille dans la foulée d’une colonisation violente qui aura arraché les racines culturelles de populations cruellement soumises au fil de tueries successives. Il nous parle du mal-être de l’enfance dans la cité phocéenne, de la rue qui remplace l’école, de la misère des bidonvilles, du saut miraculeux dans le HLM, de la haine raciste, de la violence policière, des fantasmes, des illusions, et, inévitablement, de l’irruption de la drogue dans des ghettos urbains. Le shit, ce plomb dans la tête qui fait basculer ces vies de cité déchirées de la petite délinquance à la voie du pire, au banditisme, au crime…
Puis vient un moment où les mots glissent dans le calme et l’obscurité. L’homme, élégamment vêtu, s’empare d’un sac de voyage, que l’on n’avait pas vu ou ignoré, et s’en va d’un pas décidé. À chacun de nous de choisir sa destination. Lui nous aura enrichi de son combat.
« L’écriture de Combat a commencé en résidence à l’Espace Culturel Busserine, le lieu où l’histoire artistique d’un des auteurs de Combat a commencé », racontent Dominique Sicilia, co-autrice et metteure en scène, scénographe, Belkacem Tir, co-auteur et acteur, Ahmad Compaoré, percussionniste et musicien.
« C’est l’histoire du combat de cet homme pour survivre en tant que métèque, métis culturel dans son pays, la France. Il a 15 ans quand le taux d’immigration algérienne en France est le plus fort. Son histoire est vécue par lui ou par d’autres comme lui. Nous inventons les effets de ses expériences vécues. Les faits, les actions, les situations, tout est réel. Nous les passons au filtre de notre pensée, nous inventons l’analyse de ce que vit le personnage », précise Dominique Sicilia.
Vous pouvez voir la pièce Combat le 15 mars à 20h à la DISTILLERIE
22 rue Louis Blanc 13400 Aubagne
Renseignements/Reservation
0 4 42 70 48 38
https://ladistillerieaubagne.fr/