Maurice Gouiran. (DR)

Maurice Gouiran : l’art de mettre l’Histoire en polar

Entrer dans « Et l’été finira » de Maurice Gouiran, c’est être plongé dans la litanie de l’horreur des crimes racistes qui ont marqué la fin de l’été 1973 à Marseille en douceur, terriblement en douceur.

D’abord parce que c’est un jeune homme qui veut envers et contre tout profiter de son dernier été du coté de Marseille avant de rejoindre Paris, son premier job et la vie d’adulte que l’on suit dans son éveil de conscience et son enquête jusqu’au cœur de la cible…

Ensuite, parce qu’il nous propose de suivre le récit de cette flambée raciste en émaillant le calendrier des « incidents » par des citations de la presse dont le tristement célèbre édito du 26 aout 1973 de G. Domenech , rédacteur en chef du journal Le Méridional, qui donnait le « la » à une vaste campagne raciste. Il est bon de se rappeler ces contenus propres à encourager le passage à l’acte : « Assez de voleurs Algériens, de casseurs Algériens, de fanfarons Algériens, de proxénètes Algériens, de syphillitiques Algériens, de violeurs Algériens, de fous Algériens. Nous en avons assez de cette racaille venue d'outre-Méditerranée. L'indépendance ne leur a apporté que de la misère contrairement à ce qu'on leur avait laissé espérer ».

Enfin, en nous proposant de suivre en parallèle de cet été 1973 le récit des événements de l’été 1893 dans les marais salants du midi de la France, à Aigues Mortes : des crimes racistes perpétrés alors sur des ouvriers italiens. « Il suffit simplement de changer le lieu et la nationalité et l’on assiste aux mêmes réactions, voire aux mêmes événements » raconte le carnet de note d’Angelina que nous découvrons avec Clovis, le narrateur.

Après, il y a tout le talent de Maurice Gouiran pour nous emporter dans l’intrigue, détricoter, nous dévoiler les contours, créer de l’émotion, mettre en éveil notre pensée.

Quand j’ai fermé le livre j’ai pensé : ce livre est à mettre entre toutes les mains, à Marseille bien sur, cité qui vit au rythme de ses flux migratoires, mais bien au-delà du cœur de la Méditerranée. Son auteur nous offre comme un rattrapage scolaire qui nous permet de comprendre les mécanismes en jeu dans la xénophobie et l’occasion de nous rappeler que l’histoire se déroule sous nos yeux dont nous pouvons, à tout le moins, être des spectateurs indignés. Dernière « citation du jour » dans « Et l’été finira » : « Il y a une immigration comorienne importante qui est la cause de beaucoup de violence. Je ne peux pas la quantifier. » (Claude Guéant, septembre 2011).

« Et l’été finira », Editions Jigal, février 2012, 18€50

Le site des Editions Jigal : http://polar.jigal.com/