Turquie: Erdogan poursuit la purge et scelle la chape de plomb sur le pays
Par N.TPublié le
Après la purge massive dans l'armée, la justice, l'éducation et les médias, qui a suivi la tentative avortée de coup d’Etat du 15 juillet, voici venu le temps des « ajustements »…
Les dirigeants turques reconnaissent à demi-mot que l’opération aurait pu donner lieu à « des erreurs » et promettent des « corrections ». Les « citoyens qui n'ont pas d'affiliation avec eux (les sympathisants de prédicateur musulman Fethullah Gülen et sa confrérie secrète) devraient se détendre » car « il ne leur sera fait aucun mal », a promis le vice-Premier ministre, Numan Kurtulmus lors d'une conférence de presse. Ankara a par ailleurs demandé à Washington l'extradition de son ennemi juré.
Le président Erdogan qui pilote en personne les manœuvres de cette guerre aveugle livrée à sa propre société s’offusque des réactions internationales, conseillant aux occidentaux notamment de "se mêler de leurs affaires".
« Un pays qui emprisonne ses propres professeurs et ses propres journalistes, met en prison l'avenir » du pays, avait lancé le chef du gouvernement italien Matteo Renzi. Mais c’est avec l’Allemagne, où réside une forte communauté turque (environ trois millions), que les relations sont de plus en plus tendues.
Le chef de la diplomatie allemande, Frank-Walter Steinmeier, avait dénoncé jeudi 28 juillet des purges qui « dépassent toute mesure », estimant « qu'on ne pouvait se taire » face à l'ampleur des arrestations. Le président Erdogan s’est vu interdire, par la justice allemande, de s'adresser par vidéo aux plusieurs dizaines de milliers de ses partisans (48 000 selon certaines sources) rassemblés dimanche 31 juillet à Cologne. Le différent intervient dans un contexte de forte tension entre les deux pays, surtout après le vote par les députés allemands en juin dernier d'une résolution qualifiant de « génocide » le massacre des Arméniens sous l'empire Ottoman en 1915.
Plus de 50.000 personnes limogées, plus de 18.000 placées en garde à vue
Trois semaines après la tentative de putsch, le pouvoir turc entreprend une mise sous contrôle de l’armée. Un décret publié dimanche 31 juillet place l’institution sous la tutelle exclusive du ministère de la Défense. Elle dépendait jusque-là du premier ministre. La réforme constitutionnelle en cours prévoit de mettre l’état-major et les services secrets sous la coupe du seul Erdogan. « Nous allons introduire une petite réforme constitutionnelle et, en cas d’approbation, le service national du renseignement [MIT] et les chefs d’état-major passeront sous le contrôle de la présidence », a-t-il déclaré samedi 30 juillet à la télévision.
Quelques 149 généraux accusés d’allégeance à Fethullah Gülen, soit près de 40% du corps, ont été limogés. Onze soldats accusés d'avoir fait partie du commando ayant attaqué l'hôtel de Marmaris (ouest) où se trouvait le président turc Recep Tayyip Erdogan la nuit du putsch manqué ont été par ailleurs arrêtés, a annoncé lundi 1 août le ministère de l'Intérieur.
Plus de 18.000 personnes ont été placées en garde à vue au cours des deux dernières semaines. Environ 10.000 d'entre elles font maintenant l'objet de poursuites et ont été placées en détention préventive dont de nombreux journalistes. Plus de 50.000 personnes ont été limogées.
Placée sous état d’urgence avec des pouvoirs exceptionnels accordés aux partisans d’Erdogan dans les institutions, la Turquie est plongée dans un climat de terreur. Cette chape de plomb ne met pas pour autant le pouvoir dictatorial d’Erdogan et de l’AKP (parti islamiste au pouvoir) à l’abri.