Espagne : C'est la crise, « Salvados » explique pourquoi
Par jcsPublié le
« Salvados » est l'une des émissions les plus regardées de la télé espagnole. Le programme, fait de reportages sous forme d'entretiens, décrypte chaque semaine les raisons de la crise.
Diffusé sur la Sexta, la sixième chaîne espagnole, « Salvados » (« Sauvés ») connaît depuis quelques temps un succès considérable. Plus de 4 millions d'Espagnols se retrouvent devant leur poste chaque dimanche à 21h30, pour mieux comprendre les mécanismes de la crise qui secoue leur pays.
Animée par le journaliste Jordi Evole, l'émission, créée en 2008, a connu plusieurs phases, avant de parvenir à sa version actuelle. A l'origine, le programme traitait de thématiques sérieuses, avec un certain humour décalé et provocateur, ce qui lui valut parfois quelques désagréments.
Ainsi, en 2008, un collectif estima qu'une émission consacrée à l'église espagnole, était offensant, et demanda le boycott de « Salvados ». La même année, des nostalgiques du franquisme s'indignèrent que lors d'un reportage, une gerbe de fleurs avec un drapeau aux couleurs républicaines, soit déposée sur la tombe du général Franco.
Sans tabou
Peu à peu, l'émission abandonna le volet humoristique, mais sans perdre son côté subversif. Désormais, le programme aborde chaque dimanche un thème précis, et, sous forme de séquences filmées, donne la parole à des experts ou à des citoyens concernés par le thème traité.
Une série d'entretiens filmés en tête à tête compose l'émission, ouvrant la porte aux débats, sur des sujets souvent polémiques. Dans une Espagne secouée par une crise brutale, où le taux de chômage frôle les 25%, où le système bancaire est à la dérive, où les propriétaires de logement sont contraints d'hypothéquer leurs biens à cause de crédits spéculatifs exorbitants, « Salvados » met le zoom sur ces situations et permet d'en analyser les causes.
L'émission n'épargne pas les institutions, et tente de décrypter, sans aucun tabou, les raisons profondes qui ont mis le pays dans cet état. « L'Espagne traverse une période de doutes et s'interroge sur ces institutions. Nous faisons partie de cette Espagne-là. Nous avons créé ce programme pour comprendre ce qu'il se passe », explique le journaliste Jordi Evole.
Avec près de 140 000 fans sur Facebook, ou un compte Twitter suivi par plus de 200 000 abonnés, « Salvados » est devenu une source de référence dans cette Espagne en crise. En 2011, l'émission a reçu le prix Iris récompensant la meilleure émission d'actualité.
Parole directe
Dernièrement, le programme évoquait le système médical. La surconsommation de médicaments était en question. Une statistique servait de support à l'émission : l'Espagne est le deuxième pays au monde pour sa consommation de médicaments par habitant.
Sur le site internet de « Salvados », la série d'entretiens consacrés à ce thème est accessible. On peut ainsi constater comment se structure l'émission et comprendre ce qui fait son succès.
Le programme donne le temps aux intervenants d'expliquer leurs points de vue. Les entretiens durent cinq ou dix minutes, en tête à tête avec Jordi Evole. Et le témoignage du médecin de famille a autant de valeur que l'avis du directeur de l'Institut de Pharmacologie.
La parole est très directe, certaines formules chocs, reprises dans les titres des vidéos, provoquent forcément le débat, et permettent aux téléspectateurs de saisir les clefs pour comprendre les enjeux liés au thème traité.
Sur l'exemple du système médical, les phrases mises en exergue suffisent à s'en convaincre : « Qu'y a-t-il de mal à ce que le gouvernement et l'industrie pharmaceutiques s'entendent ? », explique le directeur de la communication du groupement des entreprises pharmaceutiques espagnoles. « Le but du visiteur médical, c'est de vendre », lance une ancienne visiteuse médicale. « Parfois, le médicament précède la maladie », ajoute le médecin de famille.
A travers ces trois phrases, et avec les arguments développés par chacun, l'analyse des causes de la surmédication en Espagne devient plus concrète.
« Salvados » a le mérite de présenter tout cela de front à ses téléspectateurs. C'est la recette de son succès.