L’Europe se barricade à nouveau au mépris de ses devoirs humanitaires
Par N.TPublié le
« J’ai fui la mort pour finir en prison...» Paroles de désespoir d’un réfugié afghan tenu en joue par un soldat hongrois, rapportées par un reporter radio présent à la frontière avec la Serbie quelques heures après la fermeture de cette dernière lundi 14 septembre à minuit. Trois ans fermes pour qui tentera de franchir la barrière de barbelés.
Après l’Allemagne, qui a rétabli dimanche les contrôles à ses frontières, la Slovaquie et l’Autriche ont annoncé à leur tour, lundi 14 septembre, le rétablissement de la même mesure. Le sommet extraordinaire des ministres de l’Intérieur européen tenu le même jour à Bruxelles a entre temps fait un flop. Ces derniers s’en sont tenus à vague un « accord de principe » pour au mieux se répartir quelque 40.000 personnes qui végètent en Italie et en Grèce. On est bien loin du système « obligatoire et permanent » claironné les jours précédent. L’Europe s’est à nouveau barricadée.
Plus que l’accueil des réfugiés dans la détresse, c’est à présent l’espace Schengen qui fait débat. En France, la droite et l’extrême-droite ont aussitôt rebondi sur la décision allemande, bien qu’elle ait un caractère provisoire face à la nécessité d’ajuster les capacités d’accueil. Elles y voient une brèche ouverte pour démanteler le système de libre circulation des personnes et redessiner les contours de l’Europe forteresse, retranchée à milles lieux de ses devoirs humanitaires et de solidarité internationale.
Confrontés à un afflux de plus en plus grand de réfugiés, les pays en première ligne, notamment la Grèce et l’Italie obtiennent en effet des soutiens dérisoires. Otages des réseaux de passeurs, les familles continuent à y arriver au péril de leurs vies. A l’Est de l’UE, la Hongrie, la république tchèque, la Slovaquie, la Roumanie, tout autant que la Pologne et la Lettonie se cantonnent dans une position de rejet d’une répartition de l’accueil. Bruxelles se montre pour l’heure incapable de recourir au moindre moyen de pression, alors que ces pays sont bénéficiaires de fonds structurels.
La menace sur Schengen n’en reste pas moins dans tous les cas un faut débat qui permet surtout d’occulter les graves défaillances de l’EU face à des drames humains dont elle est en partie responsable. Le rétablissement du contrôle aux frontières de l’Europe constituerait un nouveau coup porté aux droits humanitaires des réfugiés, les condamnant à être stockés dans des conditions épouvantables.
L’épisode de rétablissement brusque des contrôles aux frontières de certains pays révèle enfin la fragilité des institutions européennes qui peuvent vaciller à la moindre crise. Hors du champ de l’économie et des politiques d’austérité imposée aux peuples, l’Europe libérale se montre finalement incapable d’apporter des réponses concertées et organisées. Le drame des réfugiés révèle, s’il en était encore besoin, un projet politique au service exclusif de la circulation des capitaux et des marchés.