Un millier de personnes a répondu à l’appel du collectif du 1er juin. (J.C.S)

Marseille : Un premier succès pour le collectif du 1er juin, et beaucoup d’attentes

Samedi, un millier de personnes s’est rassemblé à l’appel du collectif du 1er juin. Les habitants des quartiers populaires de Marseille ont fait entendre leur voix et ont pu remettre leurs propositions au préfet. 

Samedi 1er juin, 14h. Au pied des escaliers de la gare St Charles, le boulevard d’Athènes se remplit peu à peu. Depuis trois mois, des habitants, des militants, des travailleurs sociaux, ont commencé à préparer ce rendez-vous.

Saturés de voir la violence gagner du terrain, ils se sont réunis, pour trouver des issues, et refuser toutes les formes de violences qui pèsent sur leur quotidien. 

Le collectif du 1er juin est né ainsi, de l’initiative de ceux qui vivent dans les quartiers, qui les font vivre, et qu’on n’entend jamais. Ils se sont regroupés dans ce mouvement citoyen, qu’ils ont créé, et la marche de ce samedi doit être le premier pas du nouvel élan qu’ils veulent pour leurs lieux de vie.

Sur le camion, face aux escaliers, et au cortège qui se constitue, Yamina Benchenni, porte-parole du collectif, le rappelle d’emblée : “Nous ne sommes pas dépendants des politiques. En étant là, on prouve qu’on s’organise.”

 

Des élus plus ou moins discrets

Les habitants, usés par 30 ans d’échecs successifs des décideurs, ont plutôt de la méfiance, et même un certain rejet des politiques. Le collectif ne veut pas voir tel ou tel récupérer le mouvement. 

Bien sûr, les élus sont tout de même nombreux à avoir fait le déplacement. Mais pas question de les laisser s’accaparer la marche. UMP, Front de Gauche, PS, écolos, MODEM, ils sont quelques-uns éparpillés dans les rangs, et se font plus ou moins discrets. 

Quand la manifestation commence à descendre le boulevard d’Athènes, Marie-Arlette Carlotti longe le cortège, prête à le quitter. La ministre, candidate à la mairie ne veut pas être prise en flagrant délit de récupération. Surtout pas. Elle entend se montrer humble, et assume sa discrétion, tout en ouvrant la porte. 

“C’est très bien que les quartiers relèvent la tête. C’est leur mouvement, ils doivent en rester maîtres. Ils ont des propositions, et je leur dis, parlons-en, parlons ensemble.”

Un peu plus loin, Patrick Mennucci, un autre candidat PS à la mairie, joue une autre partition. Dans le match tactique en vue des municipales, lui adopte le registre de la proximité, et il restera à la marche jusqu’à la Préfecture. 

“Moi, je ne sens pas de rejet, je suis là avec mon quartier, clame-t-iI, derrière une banderole Belsunce-Noailles. Puis il en profite pour envoyer un petit tacle : ”c’est sûr que dans le 13-14, les gens ont de quoi se méfier...” Le coup de crampons s’adresse à Sylvie Andrieux, députée PS de ces quartiers, récemment condamnée à un an de prison pour détournement de fonds publics. 

 

Les revendications...

Le mouvement du 1er juin est justement parti des 13e et 14e arrondissements. Beaucoup d’habitants de ces quartiers battent le pavé. Avant cette marche, les membres du collectif reconnaissaient volontiers que les personnes les plus impliquées étaient les femmes. 

Samedi, elles étaient nombreuses, mais les hommes étaient aussi au rendez-vous. Et les plus jeunes également. Derrière une banderole “Fontvert, stop à la violence”, un groupe de jeunes gens porte des t-shirts imprimés du visage d’un ado, que la violence a arraché à la vie. “Ni complices, ni coupables, nous sommes tous des responsables”, scandent-ils. 

L’ambiance générale est calme, il n’y aura pas le moindre incident pendant tout le défilé. Mais la colère trop longtemps rentrée est présente, elle gicle, par éclats. Les médias sont nombreux, et souvent, dès qu’une caméra passe à proximité, certains se précipitent pour faire entendre leur ras-le-bol et leur malaise. Sans agressivité, juste avec l’énergie de la rage dedans. 

Le millier de marcheurs arrive devant la Préfecture. Une délégation se forme pour aller remettre au préfet les 23 propositions que le collectif a rédigées. Avec en première revendication, que soit mise en place “une instance officielle de dialogue et de travail permanente avec les institutions publiques”, qui “pourra être saisie par les habitants.”

Car avant tout, l’objectif du mouvement est de montrer que ceux qui vivent dans les quartiers sont les premiers concernés par ce qui s’y passe, que les décisions ne peuvent être prises sans leur concertation. Et ils veulent faire entendre aux autorités que la réponse de l’Etat ne peut pas se résumer au volet sécuritaire. 

La veille du rassemblement, des membres du collectif avaient également rencontré Manuel Valls, en visite à Marseille. Le ministre de l’Intérieur s’était félicité de leur initiative, et leur avait assuré qu’il prendrait connaissance de leurs propositions. 

 

...Et les attentes

Reste maintenant à savoir ce qu’il résultera de cette action. Le collectif a donné rendez-vous le 15 juin, au Centre Social l’Agora, à la Busserine, pour tirer un premier bilan. Bilan de l’échange avec les pouvoirs publics, bilan aussi du ressenti des habitants. 

Anouar, Majid et Ahmed ont 25 ans, ils sont étudiants, ou jeune diplômé. Tous trois habitent la Busserine. Ils sont venus "par curiosité, parce que l’info a tourné sur Facebook.”

Pour eux, la journée évoque plutôt une touche d’espoir, diluée dans leur pessimisme. Ils sont assez désabusés, et pas vraiment convaincus que le mouvement pourra changer grand chose. 

Dans le quartier, la discrimination, ils la vivent au quotidien. Les policiers ne les voient que comme des délinquants. La veille, Anouar s’est fait longuement contrôler, pour rien. “Le pire, explique Majid, c’est quand on leur dit qu’on a Bac + 5. Ça, ils comprennent pas... On a un meilleur niveau d’études qu’eux, et ça, ça passe pas...”

Au moins, peut-être, espèrent-ils, le mouvement fera changer l’image des quartiers, et plus généralement de Marseille. “Il y a toujours l’image d’une ville de gangsters. C’est devenue une déformation de Marseille, comme si tout le monde n’attendait plus que ça, que le sang coule. L’effort doit venir aussi des médias.”

La délégation en Préfecture est reçue plus longtemps que prévu. Peu à peu, le cortège de disperse. Près des terrasses de la place, deux mamans et leurs enfants discutent. “Bien sûr qu’on espère que ça fera changer les choses. Surtout pour les enfants.” 

Le petit garçon de 9 ans et demi qui est avec elles a envie de raconter lui aussi. Il explique calmement avec une petite voix : “Desfois, quand je marche dans la rue, j’ai peur que quelqu’un me tue...”

Sa maman, émue, s’efforce de garder le sourire pour le rassurer.