Le chantier du CeReM, en octobre2011 (DR)

Exclusivité : le CeReM dévoile sa programmation 2013, parole des premiers artistes-narrateurs de cette Méditerranée en marche

Le futur Centre Régional de la Méditerranée (CeReM) ouvrira ses portes à Marseille en 2013, année où la cité phocéenne sera capitale européenne de la culture, au cœur du nouveau pôle culturel majeur de Marseille, le J4 (1).

Le CeReM est né de la volonté du Président de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur de faire de la Méditerranée une centralité de cette année capitale et de doter la région d’un outil de coopération en Méditerranée.

Signal fort de cette volonté, un bâtiment à l’architecture audacieuse hébergera l’équipement culturel innovant « populaire et inventif » (2). L’architecte milanais Stefano Boeri a imaginé un bâtiment « avec » et « sur » la Méditerranée.

Ce trait d’union entre mer, terre et ciel, le CeReM le réalise grâce à une prouesse architecturale unique : un spectaculaire porte-à-faux de plus de 40 m de longueur surplombant tel un plongeoir-promenoir la darse et la Méditerranée à une hauteur exceptionnelle de 19 m.

Nous avons voulu en savoir plus sur ce lieu qui ne sera ni un musée, ni un centre culturel, ni un établissement de recherche ou d’enseignement mais qui s’annonce comme « la chambre de résonance d’une Méditerranée en marche ».

L’équipe du CeReM et les artistes associés à la programmation en 2013 nous dévoilent, en exclusivité, les premiers projets et la méthode de travail construisent l’identité de ce nouveau lieu.

Médiaterranée : Pouvez-vous nous présenter le cadre général de la programmation de ses grands principes à ses premiers projets?

Le CeReM : L’idée est de partager des contenus complexes sur nombre de thématiques qui touchent le monde méditerranéen avec un public large. Notre démarche s’appuie donc à la fois sur une grande qualité des apports et un effort pour rendre accessibles et compréhensibles par tous les sujets traités.

Nous proposerons donc une programmation organisée autour de trois saisons complémentaires puisque le printemps « la Méditerranée en marche » sera dédié à la création, l’innovation et la modernité, l’été sera placé sous le signe de «la Méditerranée en partage» en mettant la question du patrimoine comme enjeu politique au centre de ce temps fort et enfin l’automne, à l’adresse des méditerranéens de demain, cette jeunesse à qui l’on proposera des pistes de réflexion sur «la Méditerranée de demain».

Il nous a semblé important de proposer une installation plus permanente permettant d’aborder les saisons comme autant de focus plus pointus. C’est tout le sens du «Parcours de Découverte de la Méditerranée» qui donne quelques clefs pour faciliter l’appréhension du monde méditerranéen via des cartographies complété d’un espace sur «les Mobilités en Méditerranée», sujet permanent et constitutif de la Méditerranée.

Sur chaque thème, l’équipe du CeReM s’adjoint l’expertise d’un comité scientifique qui travaille sur les éléments essentiels à transmettre, en somme une note d’intention.. Comme le CeReM n’accueillera pas «des expositions» au sens classique du terme nous avons arrêté le principe de l’invitation de narrateurs en lieu et place de commissaires d’exposition.

L’idée est que les narrateurs (un réalisateur, un écrivain, un metteur en scène), des spécialistes du récit, s’emparent de ces données complexes, les installent dans une histoire et proposent autant de « parcours » à la découverte d’un sujet, lors de chacune des saisons, y compris pour le parcours permanent.

Des parcours avec des formes évocatrices plutôt que didactiques que l’on souhaite propices à créer des conditions pour l’apprendre, le comprendre mais aussi qui suscitent des débats, des réactions et des témoignages des visiteurs.

Il se trouve qu’en 2013 ce sont trois réalisateurs qui ont été choisi pour être les narrateurs. Bruno Ulmer, documentariste qui a beaucoup travaillé sur l’immigration avec notamment « Casa Marseille Inch’Allah » ou « Welcome Europa», installera le récit autour des mobilités, qui devrait rester au CeReM au moins trois ans.

Médiaterranée : Qu’est ce qui a motivé votre engagement dans cette proposition autour des mobilités?

Bruno Ulmer : A l'évidence, un attachement profond à la Méditerranée, un intérêt permanent à ce qui s'y passe, aux questions et bouleversements qui la traversent. Comment la Méditerranée, tout entière, non seulement vit avec son histoire, mais aussi comment elle anticipe toujours son futur, comment elle révèle des comportements, des attentes, des idées...

Depuis près de quinze années je réalise des films documentaires qui, quasiment tous, concernent la Méditerranée, surtout dans sa dimension la plus humaine, au travers de questions comme les migrations, la jeunesse, les notions d'identité, de diaspora, d'appartenance...

Le projet du CeReM dans son ensemble, mais plus particulièrement sur l'aspect des Mobilités, humaines et marchandes - intimement liées - m'a séduit parce qu'il permet de mettre dans une perspective ouverte, intelligente, accessible à tous les publics, cette question centrale des Mobilités. Non seulement par l'image - c'est mon métier - mais aussi par l'expérience, la "mise en situation" dans un lieu, une scénographie qui permet de "faire vivre" ces notions de mobilités, de frontières, de franchissement, de circulation...

Le projet est ambitieux, mais il est suffisamment passionnant pour motiver le "faiseur d'images" que je suis, et pour pousser à inventer de nouvelles formes de rencontres avec le public, au-delà d'un écran... (…)

Vous l’aurez compris, le Parcours des Mobilités ne donnera pas seulement à voir, mais aussi à vivre l’expérience de la Méditerranée.

La maquette du CeReM

La maquette du CeReM, photo de l’architecte Stefano Boeri




Médiaterranée : C’est à Régis Sauder (3) qu’a été confié la saison d’ouverture du CeReM, au printemps 2013. Nous l’avons interrogé sur le thème et le parcours qu’il construit actuellement...

Régis Sauder : Le CeReM m’a proposé de prendre en charge l’écriture d’un scénario de présentation de la saison d’ouverture de l’espace situé dans le porte-à-faux du bâtiment, intitulé « 2031, possibles futurs en Méditerranée ». Il s’agit de proposer aux visiteurs de penser la Méditerranée de demain, la Méditerranée comme bien commun des 22 pays, des 147 millions d’habitants des régions côtières qui l’entourent.

Quels enjeux pour cet espace complexe à l’horizon des vingt années à venir. Biodiversité, changements climatiques, démographie, mondialisation, modèles de gouvernance… autant de thématiques abordées à partir de récits individuels et collectifs. (…)

Les voix que je veux convoquer pour construire de façon polyphonique le parcours, viennent évidemment de tout le pourtour méditerranéen. Mais ceux qui nous guideront dans cet espace, seront des jeunes d’ici, de Marseille où est né ce projet. Je travaille actuellement avec des élèves du Lycée Saint Exupéry de Marseille, c’est une démarche participative qui permet d’imaginer un lieu en prise avec son environnement, et la population de la ville.

L’histoire que nous proposerons est en cours d’élaboration, elle parle d’impossibles et de désirs, de clandestinité et de liberté, de pollution et de paradis... Une Méditerranée de demain, racontée sans angélisme mais avec encore un peu d’espoir.

Médiaterranée : La saison qui démarrera à l’automne 2013 autour de « La Méditerranée de demain » proposera un parcours autour du paysage sous-marin méditerranéen, de ses merveilles et aussi des périls qu’il encourt. Alain Bergala, un grand Monsieur Cinéma (4), nous explique les raisons de son enthousiasme pour ce projet

Alain Bergala : J’ai choisi de m’engager dans ce projet pour trois raisons principales.

La première est que j’ai beaucoup aimé le mot et l’idée de « narrateur » : ne pas être simplement un scénographe (quelqu’un qui donne à voir dans un espace d’exposition), mais quelqu’un qui est aussi un conteur, qui pense une durée de trois mois, qui peut proposer des rencontres, des dispositifs… J’ai conçu les deux expositions précédentes que j’ai réalisées (Kiarostami/Erice : Correspondances et Brune/Blonde) sur ce mode de prendre le visiteur par la main et de l’accompagner dans un parcours qui est aussi une histoire.

La deuxième est le plaisir que j’ai à comprendre moi-même des choses nouvelles sur un sujet sur lequel je n’avais aucune connaissance particulière : le paysage sous-marin méditerranéen. Cela m’a donné l’envie de faire partager aux autres les découvertes enthousiasmantes que je suis en train de faire à l’écoute des savants, des spécialistes, des amoureux de ce territoire sous-marin. Mon goût de la pédagogie et de la transmission va être comblé par cette expérience.

La troisième est le sujet lui-même qui m’a été proposé, et qui relève en même temps de l’histoire la plus ancienne de la terre, de l’histoire et de l’économie les plus contemporaines, de l’écologie, de la géopolitique mais aussi de l’imaginaire : les fonds sous-marins ont toujours été, en littérature, dans les arts plastiques et au cinéma des grands déclencheurs d’imaginaire, de rêveries, de scénarios.

Enfin, une raison supplémentaire mais décisive : le plaisir de revenir souvent à Marseille, dans ma région natale et dans une ville que j’aime, et d’être un des premiers à travailler dans cette belle architecture qui est en train de sortir de terre.

Trois narrateurs, une équipe du CeReM et des comités scientifiques travaillent au quotidien pour offrir en 2013 des récits sensibles de la Méditerranée. Le CeReM c’est donc cela : une ambassade tournée vers la traduction au public de toute la complexité de la Méditerranée. Un lieu où « chacun pourra trouver des raisons de s’étonner, de s’émouvoir, apprendre, débattre et comprendre, mais aussi se restaurer, se reposer, et pourquoi pas, rêver » (5).

Propos recueillis par Nadia Bendjilali

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(1) Nom donné à une esplanade en front de mer, jusque là occupé par le domaine maritime et notamment le hangar J4 où cohabiteront dès 2013 le futur MuCEM avec le Fort St Jean rénové, la Fondation Regards de Provence et le nouveau Fond Régional d’Art Contemporain.
(2) Selon les termes du Dossier de Presse du CeReM.
(3) Dernier documentaire réalisé : « Nous, Princesse de Clèves » filme un groupe d’élèves d'un lycée marseillais classé en ZEP, donc dans des quartiers dits « difficiles », dans leur appropriation du fameux roman de Mme de La Fayette. Il n’est pas question du Président Nicolas Sarkozy dans ce documentaire mais…on se souvient tous de sa réplique sur le même livre : « j'ai beaucoup souffert sur elle » disait-il. Eux, « se régalent », pourrait-on dire à Marseille !
(4) Alain Bergala a été rédacteur en chef et directeur de collections aux Cahiers du cinéma. Il est l’auteur de nombreux articles et d’ouvrages sur le cinéma, a été conseiller cinéma auprès du Ministre de l'éducation nationale, a réalisé plusieurs films et commissaire d’expositions. Il enseigne le cinéma à la Femis.
(5) Idem 2.