A Marseille, derrière les problèmes d'insécurité se cache un enjeu essentiel : la lutte contre la pauvreté. (Jean-Pierre Jeannin / Flickr)

« A Marseille, tout le monde se bat pour les billets violets »

Mercredi, un nouveau règlement de compte a endeuillé Marseille. Dans les quartiers nord, on apprend à vivre avec cette réalité, même si personne ne s'y habitue. Rencontre avec des habitants du 15e arrondissement.

Le parc François Billoux. Dans ce grand jardin public se situe la marie des 15e et 16e arrondissements. Le vent glacial qui souffle depuis deux jours sur la ville n'incite pas à venir profiter du soleil.

Un groupe de jeunes est rassemblé près des jeux d'enfants. Ils ont entre 13 et 15 ans, fréquentent tous le collège Rosa Parks, tout proche.

Ils sont insouciants et fanfarons, comme des ados. Et ils ont envie de parler. En entendant le mot journaliste, ils lancent « vous allez nous filmer ? » Le réflexe de l'écran, signe de leur génération.

« A la maison, c'est toujours télé ou ordi », glisse l'une d'entre eux, pour expliquer à quoi elle occupe son temps libre. A la télé, ou sur l'ordi, ils voient aussi les actualités. Les règlements de compte qui rythment le quotidien marseillais, ils connaissent bien.

 

« Marseille, elle est devenue cramée »

Mais là, plus besoin du relais de l'écran pour se rendre compte de ce qui se passe près de chez eux. « Marseille, elle est devenue cramée, commence un des jeunes. Ici tout le monde se bat pour les billets violets. » Comprenez, ceux de 500 euros.

« Moi aussi, je veux des billets violets », poursuit-il. Les autres rigolent et acquiescent. Comment comptent-ils les obtenir ces fameux billets violets ? La réponse fuse, deux ou trois voix la donnent en même temps : « En travaillant, bien sûr. »

Et ceux qui les amassent, sans trop travailler, qu'en pensent-ils ? « C'est comme ça, y a trop de réseaux, ici, trop de trafics. »

Il y a quelques temps, Samia Ghali, la maire du secteur, a évoqué l'idée d'envoyer l'armée dans les quartiers pour y rétablir la sécurité. « Non, elle abuse », tranche un garçon. « Ça pourrait être utile », conteste sa copine.

 

« C'est pas des voleurs de bonbons »

Un peu plus loin, une jeune femme est avec ses deux petits enfants. L'armée dans les quartiers ? « En désespoir de cause, peut-être. Mais il y en a qui sont aussi fous que l'armée, ça pourrait vite tourner en guerre civile. En même temps, on a affaire à du grand banditisme, c'est pas des voleurs de bonbons. Entre le social ou le bâton, je ne sais pas ce qui serait le mieux. »

Les dernières annonces du gouvernement semblent vouloir mêler les deux aspects. Suite au règlement de compte de mercredi, Manuel Valls, le ministre de l'intérieur a annoncé l'envoi de nouveaux renforts policiers.

Il y a quelques jours, c'est les « chantiers éducatifs » qui étaient à l'ordre du jour. Avec pour ambition d'aider les jeunes à ne pas décrocher du système scolaire, et de réduire le taux de chômage, par le biais des emplois d'avenir, notamment.

Des emplois d'avenir qui ne rapportent guère plus que deux billets violets par mois... Le premier des problèmes est bien celui-là.